Ciné-débat

  • Ciné débat
  • Quelques échos du ciné-débat au cinéma « Les 400 coups » de Villefranche sur Saône, le lundi 11 février 2019.

    (Organisation : Gaelle Bertrand, Jean Luc Gérenton, Edith Magnin, Roselyne Tynévez avec la collaboration de Rodolphe Donati, Directeur des « 400 Coups »)

    Nous étions 150 à participer à la projection du film de Lukas Dhont « Girl » et à la discussion qui a suivi, discussion animée par Jacques Borie.

     

  • Jacques Borie a fait un commentaire du film à la fois simple et subtil. Simple en ce sens où les termes utilisés pouvaient être entendus par tous et où les choses ont été dépliées de façon claire et logique. Subtil parce-que – J. Borie l’a souligné d’emblée – le film ne prête pas à la psychologisation, ce qui s’y joue demande à être déployé avec tact.

    Je vous propose donc non pas un compte-rendu exhaustif des commentaires de Jacques Borie et de la discussion qui a suivi, mais ma lecture du film éclairée par ces commentaires.          

    « Girl » est un film peu bavard, où l’on est pris dans une tension permanente entre beauté et violence. 

    Cette tension se joue essentiellement autour du corps de Lara. Les images de son corpsoccupent une grande place dans le film : Lara qui danse et parfois trébuche, qui découvre ses pieds ensanglantés, qui arrache les strips qui effacent son pénis et puis aussi des plans sur le beau visage de Lara – Corps entier magnifié dans la danse et bouts de corps malmenés, meurtris.

    Derrière la belle image de la ballerine, de la jolie jeune fille qui reçoit sa famille pour le nouvel an, il y a les organes inassimilables : les pieds trop grands, pas très compatibles avec l’exercice des pointes…  « Il y a des choses qu’on ne peut pas forcer, on ne peut pas te couper un bout des pieds » lui dit la professeure de danse ; et puis le pénis, ce truc en trop qui vient rompre l’harmonie de l’image.

    Lara se construit un corps dans l’exercice de la danse classique – suite à une question du public, J. Borie souligne l’importance de ceci : il ne s’agit pas de n’importe quelle danse, mais de danse « classique » dont le signifiant-même fait résonner la question de la classe. Le corpsde Lara est « dessiné » par la danse ; on le perçoit très bien dans les séquences qui montrent l’enseignement de la professeure : les consignes rythmées, avec des modulations de voix très marquées, doublées d’un accompagnement gestuel, tracent comme un cadre sonore et physique où peut venir prendre forme le corps du sujet.

    La danse classique faisait sinthome pour Lara en cela qu’elle nouait le réel du corps, l’image idéalisée de la ballerine et le symbolique de cette nomination « danseuse étoile ». La catastrophe arrive quand Lara doit cesser de danser parce que son corps a été mis à trop rude épreuve. Le passage à l’acte final s’articule à cette annonce, mais aussi à deux temps qui l’ont précédée : la scène du dévoilement du pénis devant les copines et celle dans laquelle elle échoue à se montrer au garçon qu’elle est allée rejoindre : Ce qui est fondamental pour elle –être vue comme une fille – ne tient plus. 

    La catastrophe subjective qui résulte de ce dénouage précipite Lara vers le passage à l’acte : l’éviration. L’éviration qui inscrit un moins dans le corps chez ce sujet qui n’a pas eu accès à la castration symbolique.

    Un film n’est pas un cas clinique, certes mais l’œuvre d’art peut dire (ou montrer) plus qu’un discours savant. J. Borie a ainsi rappelé cette réflexion de Jacques Lacan qui, après avoir assisté à l’opéra de Mozart, « Così fan tutte », constatait que cette musique en dit plus sur les femmes que tout un discours psychanalytique !

    Edith Magnin le 14-02-1919. Texte relu par Roselyne Tynévez.