Écho de la conversation avec Catherine Millot

  • Conversation avec Catherine Millot à Grenoble
    Conversation avec Catherine Millot à Grenoble
  • Écho de la conversation avec Catherine Millot

    Par Anne-Laure Pellat

     

    Imprudence est le nom de la série dans laquelle s'inscrit l'œuvre de Martin Berger qui a fait support à l'affiche de cette soirée. Mon écriture est sur le trait dit-il pour situer sa recherche.

    Pour cette écriture, l'artiste compose avec deux contraintes : celle de la matière et celle de son corps. Livepot signifie le temps qu'offre une matière pour être utilisée. C'est celui dont l'artiste dispose pour réaliser son écriture. L'huile peut donner un temps infini et l'air est toujours un facteur d'interruption, précise-t-il.

    Et puis le corps, ça fait une limite, il s'essouffle, modèle le geste et sur une grande surface ça s'entend.

    L'écriture du geste de l'artiste s'invente à partir d'un vide entre l'infini et ce qui fait bord, limite, obstacle. Vide, infini, bord ne sont pas sans faire penser aux coordonnées avec lesquelles chaque parlêtre compose son écriture comme réponse singulière face au mystère de la vie, de la mort et du sexe.

     

    La parole de Martin Berger est venue en ouverture de la soirée avec Catherine Millot, psychanalyste, écrivaine, que nous avions invitée pour converser avec elle autour de son essai sur le transsexualisme publié il y a presque 40 ans.[1]

    Le récit de ses recherches sur ce sujet nous a plongé dans l'effervescence de cette époque : Marcel Czermark, médecin psychiatre à St Anne, proposait des cas de transsexualisme à la présentation de malade du Dr Lacan. Ces cas étaient pensés par ce médecin du côté du délire ce qui a posé à Catherine Millot la question suivante : Faut-il être fou pour vouloir devenir une femme ?

    Élevant cette question à la dignité d'un sujet de travail, elle propose au Dr Czermark de tenir avec elle un séminaire sur le transsexualisme mais, ça ne se fait pas. Elle conduira donc sa propre recherche et la consignera dans cet essai.

    Les entretiens que C. Millot a conduits avec des femmes transsexuelles (nous dirions aujourd'hui female to male) l'ont amené à cette évidence : changer de sexe, c'est impossible ! La chirurgie tient ce discours mais n'opère pas ce changement. C'est un simulacre de changement de sexe, que l'on ne s'y trompe pas. Cela n'enlève rien au fait que l'acte chirurgical, dans ce cadre-là comme dans d'autres d'ailleurs, puisse faire solution subjective. Ça se démontre au cas par cas.

    Nous avons tenté de tenir ce fil entre la prise en compte du discours trans avec les marques de son époque et ce que chaque cas nous enseigne. Au un par un, il semble faire entendre que l'énigme du sexe reste irréductible pour le parlêtre.

    A l'issue de sa recherche, Catherine Millot aimait à dire "Je suis transsexuelle" considérant que l'analyse opérait un passage d'une position masculine vers une position féminine, male to female ! Devenir une femme est donc le risque encouru par chaque sujet, homme ou femme, qui s'engage sur la voie de l'analyse. Faut-il être fou pour vouloir devenir une femme ? La question reste ouverte.

    [1] C. Millot, Horsexe. Essai sur le transsexualisme, Paris, Point hors ligne, 1983.