Echo de la conversation "La petite menteuse"

  • Echo de la conversation du 8 mars 2024

     

    par Iris Lopez-Suarez

     

    Le vendredi 8 mars dernier l’Association de la Cause freudienne en Rhône-Alpes a accueilli Pascale Robert-Diard pour une conversation autour de son livre La petite menteuse. 1 La librairie « Arthaud » de Grenoble, partenaire dans cette occasion, nous a reçus dans une belle salle de réunion et d’expositions.

    Dans ce roman, l’histoire de deux femmes, Lisa, la victime, et Alice l’avocate s’entremêlent.L’auteure donne un aperçu sur une Cour d’Assises et sur des enjeux sociétaux d’une grande actualité. Pascale Robert-Diard, nous parle à partir de son expérience de chroniqueuse judiciaire au journal « Le monde » depuis vingt ans. Avec ce roman, elle a souhaité donner une autre fin à l’histoire d’une femme rencontrée au tribunal qui, dans une époque antérieure au mouvement #mee too, était revenue sur une accusation de viol, en finissant anéantie.Cette fiction, inspirée de faits réels, voit finalement le jour, malgré les questionnements sur la pertinence de cette publication à une époque où les esprits s’enflamment au sujet des violences faites aux femmes. L’autrice nous rappelle que : « Nous ne rencontrons jamais de causes, nous rencontrons des individus ».

    Pascale Robert-Diard est très sensible à l’adolescence, période de la vie si ingrate et pleine de violence. Les changements dans le corps, les relations aux pairs, aux parents, sont abordées ouvertement et avec finesse à travers l’histoire de Lisa. L’adolescence, temps des mensonges et du surgissement de la sexualité - d’une manière assez brutale pour Lisa - peut tout faire basculer dans une vie. Dans le regard de l’autre, Lisa bascule rapidement de « la salope » à la victime. À vingt ans, pour sortir de cette impasse, elle s’appuiera sur le regard dur d’Alice, aperçu lors du premier procès, pour la choisir comme avocate. Le regard est très présent dans la manière dont Pascale Robert-Diard parle de son métier de chroniqueuse judiciaire. Attentive aux petits détails, aux intonations des voix, aux mimiques du corps, autant d’éléments qui font saisir la singularité de celui qui parle. Elle dira : « nous racontons le non-verbal ».

    Comment faire exister les personnes jugées ? Pour l’autrice, c’est le point pivot d’une audience, qu’elle conçoit comme une page blanche. Cela se produit parfois, comme à un procès mémorable pour Pascale Robert-Diard présidée par Jean-Marie Fayol- Noirterre, présent dans la salle et nos échanges. Il s’agissait du meurtre d’un S.D.F. par deux autres dans un contexte d’errance etd'alcool. L’ancien magistrat avait fait apporter dans la salle d’audience la bicyclette de la personne assassinée. Cet acte a tout changé : chaque personne concernée s’est mise à exister autrement que comme un dossier à traiter.

    J’ai été sensible au discours nuancé de Pascale Robert-Diard, sur un sujet si complexe. Un procès conçu comme « fabrique de la décision » s’appuie sur des faits qui font office de vérité juridique.Au-delà de cette vérité juridique : qu’est-ce que la vérité pour un humain qui parle, pour un parlêtre, dans le mot inventé par Lacan ? Comme esquisse de réponse, je reprends la citation deLacan rappelée par Amélie Vindret : « Le langage de l’homme, instrument de son mensonge, est traversé de part en part, par le problème de la vérité... » 2 Parler et mentir vont de paire pour l’être parlant. Cela n’exclue pas une vérité pour le sujet, qu’il s’agit de saisir au cas par cas.

     

    1 Robert-Diard P., La petite menteuse, Éditions L’iconoclaste, 18 août 2022.

    2 Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », p. 166, Écrits, Éditions du Seuil, Paris.