Echo de la journée Familles contemporaines. en crise?

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    FAMILLES CONTEMPORAINES. EN CRISE?

     

    par Patrick Hollender

    La conférence de Valeria Sommer-Dupont, organisée par le groupe Petit Caillou et l’ACF à Valence dans la perspective des JIE7 “Parents exaspérés-Enfants terribles”, a été l’occasion d’établir de subtiles distinctions entre ce qui relève de la parenté et de la famille.
    La parenté se mesure à l’aune des fonctions à laquelle elle se trouve réduite, susceptible d’alimenter les jugements que l’on porte sur elle. Valeria Sommer- Dupont souligne comment Lacan, au-delà de la fonction symbolique de la métaphore paternelle, aborde une nouvelle façon de concevoir la parenté : “La parenté met en valeur que c’est de lalangue dont il s’agit”. La parenté est multiple. En reprenant la référence de Daniel Roy dans son texte d’orientation, elle fait remarquer que chaque parlêtre est en “délicatesse” avec l’autre, avec sa famille. Il y a là une ambivalence intrinsèque, qui est au coeur du lien parental. Celui-ci n’a rien de naturel, ni de culturel. Une opacité résiste, qui est irréductible et qui ne se déconstruit pas.
    Ce n’est donc pas la famille qui est en crise comme le rappelle Daniel Roy, mais la crise qui est au fondement de la famille. L’enfant introduit un bouleversement dans le conjugo entre deux parlants qui ne s’entendent pas parler. Valeria Sommer-Dupont nous invite à nous interroger en opérant un renversement sur ce qui serait au fondement des valeurs de la famille : “Comment se fait-il qu’un parent reconnaisse son enfant ?”, “Comment se fait- il qu’il y ait des parents non exaspérés et des enfants qui ne soient pas terribles ?”, “Pourquoi une mère ne conçoit-elle pas son enfant comme un parasitedans son ventre ?” A partir de ce point de subversion lacanienne, se dégage l’idée que la famille est un semblant et qu’aucun idéal, même normé, n’est conforme à l’objet. Valeria Sommer-Dupont énonce en effet, qu’il y a toujours dans la mère un point de déni de grossesse2, toujours un point où elle ne sait pas.
    “La langue parlée par chacun est une affaire de famille”, comme l’avance J-A Miller, en tant que tout ne se laisse pas expliquer du côté de l’enfant par la famille, d’où la question que pose Lacan : “Pourquoi tout s’engloutit-il toujours dans la parenté la plus plate?” Le délire familialiste pressenti dans la biographie et l’histoire de l’enfant, a cédé la place au délire neuro qui convoque le trouble HPI, TDAH, Dys. Valeria Sommer-Dupont propose de “troubler les troubles, d’embarrasser l’exaspération”, c’est-à-dire de tempérer le cauchemar. C’est parce qu’il n’y a pas de représentation de ce que serait la famille, qu’il existe la famille comme résidu et comme reste impossible à déconstruire. La famille supporte mieux le symptôme, que la parentalité qui elle, renvoie à un discours, une norme, une fonction. Ce point d’opacité relevé par Valeria Sommer-Dupont, n’a rien à faire avec la filiation car il est de l’ordre d’un apparentement à la jouissance et d’un apparentement avec lalangue. Il y a de multiples façons singulières de faire famille avec lalangue. C’est aussi en cela, que la famille est déjà un traitement du réel, une solution au non rapport.

     

    1 Lacan J., Séminaire Livre XXIV, L’insu que sait de l’une bévue s’aile l’amour (1976-77), Leçon du 14 déc. 1976, inédit.
    2 Laurent E., « Lectures freudiennes à Lausanne », juillet 2012.