Echo de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux

  • Echo de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux
    Echo de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux
  • Nécessaires subversions des façons de faire ordinaires

     

    Cette matinée m’a particulièrement intéressé. Elle m’a permis de faire quelques avancées de plus pour soutenir la dimension politique essentielle de pratiques nouvelles d’accompagnement, à visée éducative, pédagogique ou thérapeutique. Ces pratiques nouvelles que produisent des praticiens qui ont recours à des enseignements psychanalytiques pour traiter les butées et les impasses rencontrées lorsqu’elles se réalisent conformément au discours courant. Je me suis donc appuyé sur les enseignements des vignettes pratiques et des apports théoriques pour soutenir l’hypothèse d’une subversion structurelle selon trois dimensions que j’ai pris l’habitude de nouer : clinique (subjectivités et socialités singulières), organique (modalités d’ordonnancements des relations ordinaires) et politique (modes de subjectivation et de socialisation). Comment établir l’intérêt et la pertinence de ne plus croire et de ne plus se fier aux vertus de l’Institution du Sujet et son existence en-soi, mais de s’appuyer sur les effets et les conséquences pragmatiques d’institutions (au sens actif) de parlêtres au cas par cas et au jour le jour ?

    Dans sa conférence, Bruno de Halleux nous a rappelé comment Lacan passe d’une clinique où domine le Symbolique et prévaut l’existence de l’Autre, à une clinique du Réel, de l’Un-tout-seul, sans Autre. On passe, dès lors, d’un symptôme à déchiffrer, porteur d’un sens caché, à un symptôme à lire, à la lettre. Prenons cela du côté  de la subversion qu’opère le Discours analytique quant au Discours du Maître, et le Discours de l’Hystérique quant au Discours universitaire. En conséquence deux voies se présentent dans la « restauration » des discours subvertis : la voie dogmatique ou la voie critique. Subversions et restaurations qui se démontrent en particulier dans les pratiques quotidiennes auprès d’enfants ou d’adolescents autistes ; d’où l’enjeu politique de la constitution dans l’établissement d’un discours courant autre, nouveau.

  • Cette subversion s’articule avec celle de la fin historique de la forme-Institution, forme caractéristique de la tradition romano-canonique et forme générique des formations sociales jusqu’à y compris l’ère du capitalisme libéral. Avec le capitalisme néolibéral s’est ouvert une nouvelle ère dont une des caractéristiques est la prééminence de la forme-Entreprise. Cette nouvelle forme s’est déployée en imposant, sous couvert de « désinstitutionnalisation » libératrice, une conception consumériste des relations sociales, c’est-à-dire leur réduction à de stricts rapports marchands selon les rigueurs d’une bureaucratisation numérique au plus intime de l’ordinaire. Ce sont les algorithmes qui opèrent, en produisant précisément les uns-tout-seuls, interchangeables, de l’égalitarisme abstrait. Nommons les agents-objets d’un marché mathématiquement géré et administré selon la norme d’une concurrence libre et non faussée. En ce sens on peut parler d’une « asociale socialité ».

    Les vignettes présentées ont mis au contraire en évidence des socialités nouvelles, singulières, construites au jour le jour et au cas par cas dans le contexte d’un accompagnement décidé et sans cesse adapté aux possibles de l’enfant ou de l’adolescent. S’il a été résolument abandonné toute velléité de contrainte disciplinaire, c’est pour insister sur la nécessité d’une présence choisie, aussi bien de la part de l’adulte que de celle de l’enfant, où l’adulte assume cependant l’essentiel de la charge du souci qu’elle puisse l’être et le soit. Du souci de se faire « accueillable » : acceptable et supportable. Ceci implique aussi d’assumer seul, en tant qu’adulte, certes pas sans d’autres collègues, la charge de répondre, auprès des autorités de Tutelle et des diverses hiérarchies, du parcours réalisé et des résultats obtenus. Ceci afin de pouvoir le faire dans les termes et dans la langue que parlent ces autres professionnels, sans pour autant risquer d’altérer la langue et la socialité qui se seront forgées avec l’enfant, afin de maintenir leur autonomie de création. De consentir à la coexistence de deux mondes, voire deux univers, radicalement hétérogènes, dans lesquels en tant que professionnel, il se doit d’être présent, mais sans pour autant se faire un devoir de les lier, mais au contraire en sachant les maintenir distincts.

    Des façons nouvelles, donc, de faire institutions de parlêtres dans les mondes et les univers d’aujourd’hui.

    François-Xavier Fénérol