Echo de la matinée Qu'est-ce que la femme ?

  • Echo de la matinée Qu'est-ce que la femme ?
    Echo de la matinée Qu'est-ce que la femme ?
  • Cette matinée a constitué un deuxième temps de l’ACF en Rhône-Alpes vers les Grandes Assises Virtuelles Internationales de l’Association Mondiale de la Psychanalyse ayant pour titre l’aphorisme de Lacan La femme n’existe pas. Il a fait suite à un premier temps qui était la venue de Marie-Hélène Brousse à Lyon fin janvier.

    Autour de la question Qu’est-ce que la femme ? cette matinée a été l’occasion d’une rencontre avec deux spécialistes qui travaillent dans des disciplines connexes à la psychanalyse, au carrefour de l’Histoire et de la littérature, à qui il a été demandé d’explorer à leur façon cette question qui fait énigme dans la psychanalyse : la femme n’existe pas, qu’est-ce que la femme ? et de nous présenter des figures de ce qui, à l’occasion, a pu incarner « la femme ».

    Catherine Mariette, professeure de littérature à l’université de Grenoble, spécialiste de la littérature féminine du XIXème siècle, spécialiste de Stendhal et de George Sand, qui anime un séminaire intitulé « femmes d’hier, femmes d’aujourd’hui », est venue nous parler de Germaine de Staël, et de la mise en tension, pour cette auteure du début du XIXème siècle, de trois signifiants : femme, gloire et bonheur.

    Madame de Staël, née Anne-Louise-Germaine Necker en 1766 et décédée en 1817 à l’âge de 51 ans, a été élevée dans le salon de sa mère, où elle a développé le goût pour la conversation et le désir d’obtenir la gloire littéraire, ce qui ,selon elle, lui interdit le bonheur, du fait qu’elle est une femme.

    Elle a écrit et publié beaucoup d’ouvrages, traitant essentiellement de la condition féminine, sans le consentement de son père, dont deux romans : Delphine et Corinne ou l’Italie. Sa vie et son œuvre apparaissent comme indissociables l’une de l’autre et elle a été exilée par Napoléon à cause de ses écrits.

    Son héroïne Corinne est une sorte de double d’elle-même, de représentante de toutes les femmes, poétesse improvisatrice, « supérieure aux hommes par son intelligence et sa sensibilité », et incomprise par eux.

    Jacqueline Dhéret nous a fait entendre que Germaine de Staël avait été une femme de conversation, qui aimait les discussions et les controverses. S’appuyant sur les propos de Lacan dans Télévision « toutes les femmes sont folles, pas folles du tout », Jacqueline Dhéret a répondu à la question posée par une auteure contemporaine, Stéphanie Genand, citée par Catherine Mariette, sur la folie de Madame de Staël, que cette dernière n’avait pas été folle, mais qu’elle avait été folle au sens de Lacan. Madame de Staël a fait avec l’exil au-delà du fait qu’elle avait été mise dehors par l’Autre. Elle a utilisé l’exil et a refusé de faire la bobine de Freud, d’être à la merci de l’Autre, prise dans un mouvement de fort-da.

    Certains thèmes féminins sont très présents dans les écrits de Madame de Staël, comme notamment la question de la solitude féminine dont meurt Corinne. Il y a également ce qu’elle évoque comme un continent en elle qu’elle-même ne connaît pas trop et qu’aucun homme ne conquerra jamais.

    Morgan Powell est médiéviste, docteur en lettres médiévales. Il étudie les textes médiévaux en vieux français et en vieil allemand. Ses travaux sont centrés sur les femmes et sur la culture de la femme dans les sociétés médiévales. Il est intervenu pour les 45èmes journées de l’Ecole de la Cause freudienne qui n’ont pas eu lieu, sous le titre Au seuil du siècle du couple, dont le texte a été publié dans un numéro spécial du bulletin Par Lettre en juin 2016.

    La question de « la femme » a constitué une question capitale pour la culture littéraire médiévale, au moins depuis le douzième siècle.

    La lecture à haute voix en style médiéval de Morgan Powell, de textes accompagnés d’illustrations, qui convoquent les objets voix et regard, a contrasté avec le style de la conversation de Madame de Staël.

    Au Moyen-Age, on ne lisait pas les textes, on les entendait. Morgan Powell a donc commencé par nous faire la lecture d’écrits de Christine de Pisan, première femme de lettres de langue française ayant vécu de sa plume, sur la question de l’identité féminine. Nous avons pu écouter une magnifique lecture, mélodieuse, de lettres datant du XVème siècle, sur « qui sont femmes, qui sont-elles ? », dans la fameuse Querelle du Roman de la Rose. Il s’agit de la première querelle littéraire épistolaire française, où la question « qu’est-ce que la femme ? » a pris une position centrale. Participante de la querelle, Christine de Pisan a donné en réponse à cette question une liste d’identifications possibles sous la forme d’un catalogue zoologique.

    Morgan Powell nous a ensuite fait part d’un débat qui a duré de 1250 à 1280 sur la question de l’instabilité de l’identité féminine. Ce débat s’est limité à un seul échange, avec un délai d’une durée inconnue entre l’argument et la réponse. Nous avons pu entendre des lectures du Bestiaire d’Amour, encore appelé l’Arrière-Ban du Maître Richard, œuvre en prose de Richard de Fournival, rédigée vers 1245, qui a inauguré ce débat, une lettre d’amour aux allures bizarres de bestiaire.

    La matinée riche en échanges s’est terminée par une prestation musicale de Wendy Martinez, venue pour l’occasion chanter les femmes…

    Par Corinne Marcilly