ECHO DE LA SOIREE INTERCARTELS : DEPLACEMENTS

  • ECHO DE LA SOIREE INTERCARTELS :

    DEPLACEMENTS

     

    Qui d’entre-nous aurait pu imaginer une soirée intercartels virtuelle avant le déclenchement de cette crise sanitaire mondiale ? Pour une première, Il faut bien dire que ce fut un plaisir de nous retrouver, de nous voir, de nous entendre et de saisir encore l’irréductibilité de l’effet de parole et de son énonciation pour transmettre les produits de cartel en public. De fait, la technologie a rendu possible cette soirée, tout en montrant aussi ses limites, quand les corps ne sont pas in praesentia.

     

    Le vif de cette soirée, nous le devons aux travaux présentés. Trois cartellisants n’ont pas reculé devant leur désir : faire part de leur expérience de cartel dans ce contexte inédit. Nous avions intitulé cette soirée « Déplacements » en « clin d’œil » au confinement ainsi que l’a souligné Véronique Herlant, avec la visée d’un travail provoqué.

     

    Trois exposés nous ont introduit à trois moments de déplacement incalculable. Clémence Pannetier a ouvert la soirée avec un texte dont l’intitulé « Sortir du huis clos » annonce le nouage avec le contexte du confinement. En appui sur sa lecture des « Complexes familiaux dans la formation de l’individu », elle a déplié sa lecture de la fixation narcissique au complexe familial. Un détour par un autre texte, « Motifs du crime paranoïaque : le crime des sœurs papins » lui a été nécessaire pour cerner ce qui du monde peut parfois se clore à jamais, pas sans la construction d’un Autre particulièrement intrusif. L’effet est sensible dans sa pratique en institution oùsa réponse au rêve d’une de ses patientes fait interprétation. En proposant alors à ce sujet de reprendre ses séances au CMP, le déplacement est devenu coupure, sortie du huis-clos familial.

     

    Amélie Vindret a proposé un travail très personnel et également ancré dans notre actualité sociétale qu’elle a intitulé « L’absurdité à la subjectivation ». A partir du désaccord fondamental qui fait le drame humain, « il n’y a pas de rapport », elle a mis au travail ce qui articule et oppose en même temps les termes de sujet, de signifiant, de parole et de hors sens sans jamais lâcher en quoi « le langage et la chair, ça ne colle jamais ». Avec l’absurdité qui fait trou, Amélie Vindret a pu faire entendre en quoi le discours analytique en appui sur le hors sens autorise ce que Jérôme Lecaux a qualifié de « grande nouveauté de sens ». Etre moins prisonnier de son fantasme, c’est s’accorder un petit déplacement qui produit l’accès à plus de nouveauté. Délia Steinman, dans la discussion, a mis en relief comment ce parcours nous a fait saisir le passage du manque au hors sens qui ouvre à une poétique.

     

    Gilles Biot a terminé la soirée avec un texte qu’il a intitulé « Reprise ». Du discours à la lettre, il a déplié comment l’écrit est là dans l’insaisissable de la parole, à partir de sa lecture du séminaire XVIII « D’un discours qui ne serait pas du semblant ».

    « Vous êtes tombé sur un os, plus que sur le discours, avec l’incompréhension dont vous nous faites part » lui a fait remarquer Jérôme Lecaux tout en soulignant que la fonction du plus un est bien de cette nature. Retenons la fine distinction sur laquelle Gilles Biot nous a invités à faire cartel, « là où la compréhension s’arrête ».

     

     

    En témoignant sur le vif de comment il a été question de se débarrasser de l’idéal du beau discours, Gilles Biot a eu pour conclure cette formule inédite « le cartel est une lettre à destination de l’Ecole ».

     

    Jocelyne Huguet Manoukian