Echo de la soirée : L'art est la sublimation

  • Une rencontre dont les conditions furent appréciées : présence « en chair et en os » dans une salle mise à disposition par la librairie La Nouvelle Dérive. J’avais lu le livre de P. Hollender : L’art e$t la sublimation et j’ai été sensible à la perspective tracée par Nicole Tréglia dans son introduction. Ce que nous enseigne une présentation de l’œuvre des artistes, sans faire série, un par un, est un enseignement quant à la civilisation. La sensibilité est un signifiant qui donne le la du rapport aux œuvres et aux artistes, pas du tout nécessairement du côté de la sympathie précise Patrick Hollender : on ne s’identifie pas et pourtant on est interpelé.

    J’ai été sensible à ce point qui nous convoque à aller au-delà de la formule de Lacan dans son hommage à Marguerite Duras : le seul avantage qu’un psychanalyste ait le droit de prendre de sa position […], c’est de se rappeler avec Freud qu’en sa matière, l’artiste toujours le précède et qu’il n’a donc pas à faire le psychologue là où l’artiste lui fraie la voie.[1] Aller au-delà de cette formule, aller vers d’autres formules, c’est aller vers le sinthome comme condition de vie. Chaque artiste, pris un par un, témoigne de ce que la pratique artistique vient faire tenir quelque chose au-delà de l’image mais pas sans l’image. L’image est importante pour s’en déprendre. Invitation nous est faite de prendre soin de l’artiste, être attentif à son point d’énonciation, pas sans l’écriture, la rencontre avec le trou, l’énigme.

    J’ai été sensible à la dimension de rencontre avec un artiste, rencontre qui touche au corps, qui touche le corps. Aussi a été évoquée la question de la sublimation ou de la désublimation ? Référence à M. Duchamp qui s’est de plus en plus moqué de l’artiste, cherchant toujours à réduire la dimension de l’être. Référence aussi à Y. Klein qui voulait réduire les représentations à rien, indiquant que l’artiste est aux prises avec le non-être.

    Des échanges sur sublimation et escabeau ont fait écho pour moi à une lecture du texte de J.A. Miller L’inconscient et le corps parlant[2] : L’escabeau, c’est un concept transversal. Cela traduit d’une façon imagée la sublimation freudienne, mais à son croisement avec le narcissisme. Et voilà un rapprochement qui est proprement de l’époque du parlêtre. L’escabeau est la sublimation, mais en tant qu’elle se fonde sur le je ne pense pas premier du parlêtre. Qu’est-ce que c’est que ce je ne pense pas ? C’est la négation de l’inconscient par quoi le parlêtre se croit maître de son être. Et avec son escabeau, il ajoute à cela qu’il se croit un maître beau. Ce qu’on appelle la culture n’est pas autre chose que la réserve des escabeaux dans laquelle on va puiser de quoi se pousser du col et faire le glorieux[3]. Et alors que J.A. Miller se demande si la musique et les Beaux-arts ont eu leur Joyce, il cite Schoenberg pour la musique et Duchamp pour les Beaux-arts en indiquant qu’ils sont tous les trois, Joyce, Schoenberg et Duchamp des fabricants d’escabeaux destinés à faire de l’art avec le symptôme, avec la jouissance opaque du symptôme. Et l’on serait bien en peine de juger ce qu’il en est de l’escabeau-symptôme au gré de la clinique. Nous avons plutôt à en prendre de la graine[4]. En prendre de la graine, c’est bien ce qui a parcouru le jeu de circulation des questions, circulation à laquelle A.L. Pellat nous avait invité au début de la soirée. A suivre donc.


    Par Henri Jacquin

    [1] Lacan J., « Hommage fait à Marguerite Duras, du ravissement de Lol V. Stein », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 192-193.

    [2] J.A. Miller, Revue de psychanalyse, La Cause du désir, n° 88,

    [3] Ibid., p. 110-111

    [4] Ibid., p.111