Echo de la soirée Vouloir un enfant? "Méandres contemporains, du désir, non désir"

  • Soirée Vouloir un enfant? Méandres contemporains du désir, non désir
    Soirée Vouloir un enfant? Méandres contemporains du désir, non désir
  • La soirée ACF du 15 juin, en direction du congrès PIPOL, nous a invité à mieux cerner les nouveaux régimes de jouissance, qui entourent le désir ou le vouloir un enfant, pour les corps parlants qui recourent à l'assistance médicale à la procréation. Face à l'absence d'écriture du rapport sexuel, comme l'a rappelé Corinne Marcilly dans son introduction, il y a les solutions, les impasses, qu'offrent les progrès de la science, où l'AMP intervient en nouvel acteur entre homme et femme, en y adjoignant les formes de parentalité émergeante entre deux femmes, notamment. Le témoignage d'enfants nés par le biais de ces techniques sophistiquées de procréation, auxquels ont recours les couples de même sexe, a montré comment à travers deux petites séquences filmées, la fonction du père s'est déplacée, sous le terme de donneur anonyme, bien que son absence n'implique pas qu'elle soit systématiquement forclose. Le régime du pas-tout, propre à la modernité du malaise dans la civilisation, tend à se passer de la référence au phallus, comme point pivot de l'ordre symbolique. De fait, le devoir avoir un enfant peut, dans certains cas, ne plus être freiné, venant s'imposer en impératif surmoïque dans l'immédiateté des modes de jouir du sujet. Véronique Voruz a souligné comment les avancées de la science ont pour effet de produire un écrasement de la temporalité qui collapse le désir ; en contrepoint de la cure analytique qui, elle, demande le temps qu'il faut pour se faire à l'être. Désirer n'est pas vouloir. Le cas des deux petites jumelles développé par le Dr Alexandre Marcilly nous enseigne que le succès d'une implantation embryonnaire dans le parcours de soins d'un couple, s'est par la suite ouvert sur un préjudice, au moment de l'avènement du langage des enfants. Deux est en passe de devenir presque une en trop et réclame une autre satisfaction. Dominique Holvoet, intervenu en modérateur lors de la discussion, a précisé combien la fonction du père était précaire pour cet homme, se plaignant de symptômes somatoformes et tourmenté par sa filiation. On retiendra aussi le cas clinique d'Olivier Thomas, dont les épisodes de déclenchement d'un délire discret apparaissent paradigmatiques d'un système de pensée paralogique, pouvant tout à fait conduire le sujet dans les fourches caudines d'un père réel à incarner pour l'enfant qu'il veut avoir et qu'il situe du côté du petit a.

    Les procréations complexifient les voies par lesquelles la multiplicité des techniques s'offre à la demande. La GPA - interdite en France mais légale en Belgique - évolue vers une GPA dite relationnelle, nous précise Dominique Holvoet. Plusieurs corps parlants se côtoient, hors sexe, pour concevoir un enfant. S'appuyant sur l'ouvrage d'Augustin Ménard, Les promesses de l'impossible[1], Claude Van Quynh nous a permis de faire un pas de côté pour mieux cerner ce qu'il en est de la demande, en faisant usage de la topologie lacanienne du tore. L'intérêt de cette structure en forme de chambre à air, qui s'apparente aux feuillets embryologiques dans le développement du tube neural et de l'axe oro-anal, vise à approcher un réel, tout en évitant l'écueil du sens, face à la biopolitique des formes plurielles de la procréation. Claude Van Quyhn nous précise comment la demande du sujet fait le tour du tore autour d'un vide central, qui peut être occupé par un objet commun et qui concerne le désir. Pendant que le sujet fait le tour de sa demande autour du vide central, il accomplit un troisième tour, qui passe inaperçu et qui est le tour qu'il accomplit sur lui-même, à son insu, celui-là même où s'aperçoit $ : le "pas" d'enfant pointant "le trou de la privation dans le réel", le "sans" enfant pointant "la perte imaginaire" corrélée à la frustration et le "pas sans" enfant symbolisant la castration.

     

    Patrick Hollender

     

    [1] Ménard A., Les promesses de l'impossible, Champ Social Editions, Nîmes, 2020.