Echo soirée ciné-psychanalyse

  • Echo soirée ciné-psychanalyse
    Echo soirée ciné-psychanalyse
  • Echo de la soirée ciné-psychanalyse

    "Caravage" du 02/03/2023 à Lyon

     

    par Marie-Anne Thomasset-Kraft

    Nous nous sommes retrouvés jeudi dernier à Bron, pour la première soirée ciné-psychanalyse de l’année, qui a inauguré avec élan le cycle « Art et psychanalyse » organisée par l’ACF-RA en partenariat avec le cinéma les Alizés. Ces soirées-cinéma s’orientent de la boussole donnée par Lacan qui nous engage à nous enseigner de l’artiste, qui  « toujours, précède le psychanalyste »1
    Pour cette « première », nous avons mis à l’honneur le film «Caravage» de Michel Placido récemment sorti en salle. Une centaine de personnes, venues de divers horizons, se sont déplacées pour approfondir, ou découvrir, le lien étroit entre l’art et la psychanalyse.
    Ce film, qui est avant tout une fiction, est une réussite quant à sa manière de faire éprouver le chaos et le désordre qui habite l’artiste. Il s’est fait intense, dérangeant et captivant !
    La diffusion du film a été suivie d’une discussion enseignante et vivante, rendue possible grâce au style propre à chacun des intervenants. Jérôme Lecaux et Patrick Hollender qui nous ont fait le plaisir de soutenir l’échange, ont mis en lumière les divers niveaux de lecture proposés par le film. « Caravage », homme de désir, de débordement, est un sujet qui ne cède résolument pas sur sa jouissance. Il nous permet de cerner le rapport serré entre le chaos dont il témoigne et son art qui lui permet de le sublimer, touchant ainsi à un point qui transcende l’humanité. Le projecteur est mis sur ce sujet qui tient à inscrire sa vérité subjective dans le discours du Maitre de l’époque, mais aussi sur ce qu’il récuse quant à la vérité officielle de l’Église qui prend figure de dogme. Nous avons pu aussi découvrir la fonction de la peinture pour ce sujet, comme traitement du réel, irreprésentable, dont il essaie d’arracher un bout pour le faire passer dans la création artistique. Caravage est résolument un sujet qui cherche à dire quelque chose de l’indicible.

    Cette soirée nous a préparé au congrès PIPOL 11 qui aura lieu le 1er et 2 juillet prochain à Bruxelles sur le thème « Clinique et critique du patriarcat ». Le patriarcat serait-il ici la vérité officielle, le dogme soutenu par l’Église ? Caravage serait-il dans un rejet du patriarcat,
    soutenant une vérité individuelle qui veut être reconnue, récusant ainsi avec force la vérité officielle ? Ce sujet, qui revendique une vie de jouissance, une exaltation du vivant, vient bousculer le dogme religieux de l’époque, figé, qui s’attache dans ses représentations à situer des figures religieuses asséchées, épurées du débordement du corps. Il choisit pour modèle des miséreux, des prostituées qu’il peint, les élevant ainsi à ce qu’il y a de plus sacré. Caravage, contemporain de Galilée, se situe dans l’histoire à un moment où l’avènement de la science ébranle le système de croyance jusque-là établi et organisateur du discours. Caravage aurait-il quelque chose à voir avec l’émergence du discours de la science ?

    Diverses questions ont fusé de la salle et nous avons dû interrompre à contrecœur les échanges, contraint par les horaires de fermeture du cinéma. Le mot de la fin a été laissé à Patrick Hollender, pour qui Caravage illustre l’occurrence de Jacques Lacan : ce sujet « élève
    l’objet à la dignité de la Chose ». Il sublime l’horreur exquise de la jouissance par le beau, qui en est la couverture.

    Le Caravage ne cède pas sur son désir qui est aussi de peindre, à sa façon, nouvelle. En ce sens, malgré une vie de jouissance chaotique, c’est son désir qui a laissé des traces.

    Nous nous retrouverons le jeudi 25 Mai pour une autre soirée ciné-psychanalyse. Nous vous communiquerons très vite le nom du film qui y sera diffusé, ainsi que celui des intervenantes.
    Save the date !


    1 Repris par J. Lacan dans son « Hommage à M. Duras, du ravissement de Lol V. Stein », dans la suite de Freud qui l’a déplié dans son analyse de la Gradiva de Jensen.