Effets du cartel

  • Effets du cartel
    Effets du cartel
  • Écho de la soirée des cartels : « Effets du cartel ». Anne-Laure Pellat

     

    M’orienter du signifiant « écho » : il ne s’agirait pas, telle la nymphe, de répéter ici tout ce que j’ai entendu mais plutôt, de m’inspirer de la définition : « phénomène acoustique de réflexion du son ». 

    Quel est le son de cette soirée dont je pourrais me faire l’écho ?

  • Celui de la ville pour commencer, une ville un soir d’été : loin des terrasses dont les rumeurs joyeuses arrivaient jusqu’à nos oreilles, nous étions assis, pour notre part, autour d’une table à la maison des associations. Certains d’entre nous avaient fait du chemin : Jocelyne Huguet- Manoukian, responsable des cartels dans notre région, nous a fait le plaisir de venir jusqu’à Grenoble pour se mettre à table parmi nous !Pour ouvrir cette soirée, elle nous fait entendre « qu’est-ce qu’un cartel ? » au son d’une musique qui lui est très singulière. En écoutant ce récital tout en finesse, l’écho d’une mélodie est revenue à mes oreilles : celle de Benoît Jacquot lorsqu’il témoigne de sa pratique de cinéaste : « C’est une pratique où l’on est peut-être plus seul qu’ailleurs, une pratique où on est seul avec d’autres et dans laquelle on a besoin de ces autres pour être seul »1. Ce commentaire n’est pas sans écho avec la pratique de travail en cartel, pratique qui s’appuie sur un dispositif bien particulier que Lacan a pris soin de réfléchir. Au cœur du fondement de son école, il invente une structure réduite au plus petit groupe, comme le rappelle Jocelyne Huguet-Manoukian, dans laquelle chaque un peut mettre au travail sa question. Ca n’est pas sans effets. Écoutons le son que cela produit :Nadine Pellet a fait elle aussi du chemin pour partager à notre tablée le témoignage, toujours précieux, d’une première expérience de cartel. C’est ici la musique de la curiosité et du désir de savoir qui s’est faite entendre soutenus par deux phrases, l’une de Marie Curie, l’autre de Freud : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre » ; « Faute de pouvoir voir clair, nous voulons à tout le moins voir clairement les obscurités », bâtons de marche pour s’aventurer sur le chemin de sa réflexion : dans le champ de la médecine, comment ne pas perdre l’humanité ? Ne pas perdre l’humanité sans tomber dans la voie toute tracée de vouloir le bien de l’autre. De la question de Nadine Pellet naît un cartel « Vouloir le bien de l’autre ? » dans lequel elle se laisse surprendre joyeusement par la découverte des textes de Freud. J’entends que ça pétille !Les questions ouvertes par Nadine Pellet ne sont pas sans écho avec celles que Sylianne Renaud amènent à notre soirée : la lecture en cartel du séminaire 17 est venue interroger la portée sociale et politique du signifiant « dignité » et son envers : la chute d’un sujet au rang d’indigne. Sylianne Renaud dans son argumentaire a fait, à partir de sa question, tourner les quatre discours et il m’a semblé soudain entendre, en écoutant le son engagé de son exposé, que lorsque les discours cessent de tourner, la pulsion de mort bat son plein.Cela n’a pas été sans écho pour moi avec ce dispositif du cartel inventé pour tourner, pour ne pas faire groupe, pour s’articuler autour d’un « leader particulièrement pauvre » 2 pour reprendre la formule de Jocelyne Huguet-Manoukian, un petit dispositif dans lequel il est possible d’entendre le son de paroles vivantes, extraction de petits bouts de savoir qui s’échangent.

    A la fin de cette soirée, il était déjà tard, le son de la ville s’estompait et celui de nos échanges continuait de résonner.

     

    1 Bourret P., Écrire c’est vivre. Les entretiens de Brives, Ed. Michèle, 2015, p.115

    2 Miller J.-A., « Le cartel dans le monde », Intervention à la Journée des cartels du 8 octobre 1994 à l’ECF, transcrite par Catherine Bonningue. (Paru initialement dans La Lettre mensuelle n°134), disponible à cette adresse : http://www.causefreudienne.net/cartels-dans-les-textes/