Newsletter mai 2020

  • Newsletter ACF Rhône-alpes

    NEWSLETTER | MAI 2020

    EDITORIAL

    « Un rendez-vous comment ? »

    Présentiel est un mot nouvellement entré dans notre quotidien. « Alors, un rendez-vous comment ? », demande-t-on au moment de prendre date, embarrassé par l’équivoque de « présence » : « Présent physiquement » ne se dit plus, désuet, « en chair et en os » est malaisé, convoquant un réel du corps justement trop présent, « en vrai » fait un peu enfantin. Alors, présentiel ?

    C’est du monde de la formation que nous vient le mot, passé dans le sens commun, remplaçant « cours sur place » des temps d’autrefois, comme distanciel remplace « par correspondance ». Aujourd’hui, nous apprenons, nous communiquons en présentiel, ou en distanciel. La frontière de l’un à l’autre est d’ailleurs mince, présentiel peut aller jusqu’au Digital learning : « Le présentiel augmenté peut s’inscrire dans une démarche Blended Learning où l’apprenant commence sa formation avant même d’être dans la salle », peut-on lire sur un site de formation à distance. C’est ainsi que l’hyper délocalisation, largement expérimentée à la faveur du confinement, peut se ramener à la plus petite unité, chaque Un devant son écran, apprendre « avant même d’être dans la salle ». En présentiel, mais possiblement hors lieu !

    Avec la crise sanitaire, nous devons tenir compte des limitations actuelles, qui touchent à la présence. Les outils de la modernité sont à l’avant-poste, et bien sûr nous en usons. Avec eux, nous tentons des formules, que nous expérimentons, non définitives, non garanties, orientées par ce qui nous tient à la Cause de la psychanalyse, ce qui a compté pour nous dans la rencontre avec son praesentia. Si présentiel se présente comme une modalité optionnelle, dans l’éventail d’une offre possiblement « augmentée », il en est autrement avec praesentia : non « augmentable », elle fore plutôt le « moins », sans lequel il n’y a pas de place pour le sujet ; non « optionnable », elle leste la parole de son poids de corps par le « qu’on dise » qui s’y déploie. En cela, elle a plutôt affaire au modal qu’à la modalité, pour laquelle Lacan ne prescrit aucun standard.

    Reste que notre chance est l’embarras, causé par l’équivoque du présentiel et de praesentia.

    Vous allez en prendre connaissance, deux visio-conférences vous sont proposées. La première est une soirée des cartels, inaugurant sous cette modalité notre praesentia dans la région. La deuxième, proposée par le secrétariat de la ville de Valence, est une invitation au thème « Obtenir la différence absolue ». Initialement prévue le 17 mars 2020, elle résonne particulièrement des conditions de notre temps.

    Sont rappelés les événements de l’Ecole, en particulier les Journées programmées les 14 et 15 novembre, à Paris sous le titre « Attentat sexuel ». Là encore, des idées pour vous y convier, dans notre région, sont en préparation.

    Une surprise vocale toute en délicatesse vous est proposée par Jean-Christophe Gaston, en lien avec le thème du congrès de l’AMP, « Le rêve, son interprétation et son usage dans la cure lacanienne ». Notre rubrique « Au temps du (dé)confinement » rassemble de nouvelles contributions. Vous trouverez son accès en fin de la newsletter.

    La contrainte fait interstice de liberté, nous nous y glissons !


    Véronique Herlant, Déléguée régionale

    CARTELS

    18 juin 2020 | 21h Zoom

    SOIREE INTER-CARTELS
    Déplacements !

    Confinement et dé-confinement font partie des mots d’ordre qui orientent la gestion des corps à l’époque du Covid 19. Signifiants du biopouvoir, ils s’appuient sur l’interprétation des chiffres, nombre d’hospitalisations, nombre de morts, pour interdire ou autoriser les déplacements en masse. Dans ce monde restreint, chaque parlêtre est confiné avec l’inconscient réel, en silence, sans relâche. De ce point de vue, la psychanalyse ouvre un discours sans pareil et invente un autre déplacement avec son au-delà.

    « Le réel scintille hors du sens et du semblant »i écrit JA Miller en commentant le dernier enseignement de Lacan, pas de « thèse bien posée » mais la cure, les cartels et la passe pour en attraper quelques éclats, par petits bouts, un peu !

    Le cartel, invention subtile de Lacan pour se mettre au travail en petit groupe, est un lieu qui « déplace » chaque participant dès lors qu’il décide d’adresser sa parole pour lire les textes fondamentaux et étudier la psychanalyse.

    Alors parions sur les cartels, pour envisager ce qui peut, dans le confinement, nous déplacer encore du côté de l’invention et de la trouvaille afin d’accueillir l’insoupçonné d’un éclat de savoir.

    Pour cela nous vous invitons à une soirée inter-cartels en visioconférence Zoom le 18 juin prochain à 21 h, organisée avec les bureaux des quatre villes de notre région : Lyon, Grenoble, Valence et Annecy. Un cartellisant de chaque ville exposera son travail sur le thème « Déplacements ». Un débat s’en suivra.

    Merci de vous inscrire auprès de acfradelegation@gmail.com. Vous recevrez alors une invitation Zoom. Le nombre de places est limité.


    Jocelyne Huguet-Manoukian
    Responsable des cartels
    ACF en RA

     

    i J.A. Miller, En deçà de l’inconscient, La Cause du désir, « Ce corps qui jouit » n°91 Navarin éditeur, p 110

    SUR LE SITE

    Comment inscrire le cartel à l’École ?

    Rendez-vous sur le site de l’École : www.causefreudienne.net
    Sur le site, ouvrir l’onglet Activités puis l’onglet Cartel. Sur la page cartel, cliquer sur « Étudier en cartels », puis sur « Pour inscrire un cartel ». Entrer le nom de l’utilisateur : cartelecf et le mot de passe : 4plus1. Cliquer sur l’onglet « Créer un cartel ». Il vous sera alors demandé le titre du cartel et la rubrique dans laquelle vous l’inscrivez. Il vous sera ensuite proposé de lui « ajouter des membres ». Si votre nom a déjà été enregistré cette année, vous le retrouverez dans le menu déroulant, ce qui vous évitera de ressaisir les données. Si vous vous inscrivez pour la première fois, veillez à renseigner ces données avec soin – noms en majuscules, majuscule à la première lettre du prénom, du nom de la rue, du sujet de travail etc., et cela pour permettre l’édition du catalogue.

    ACTUALITÉS

    7 juillet 2020 | 20h30 Zoom

    "Obtenir la différence absolue"

    Cette conférence était initialement prévue le 17 mars dernier. En raison du confinement intervenu le 14 mars, elle n’a pas pu être maintenue. Nous avons fait évoluer notre proposition, pour tenir compte de cette singulière limitation des déplacements et des présences. Nous vous la proposons sous la forme d’une visuo-conférence.

    Elle aura lieu le mardi 7 juillet à 20h30 sur Zoom. Les inscriptions se font auprès du secrétariat de ville de Valence, acfravalence@gmail.com

    Nous faisons parfois référence à cette expression de Lacan, "obtenir la différence absolue", pour mettre l’accent sur la cause du sujet, à l’encontre des discours qui la nient. Mais que veut dire Lacan en 1964, quand il emploie cette expression ? Pourquoi est-elle référée au désir de l’analyste, dont il précise que celui-ci vise à "obtenir" quelque chose ? L’expression ne reviendra plus formulée telle quelle. Pourtant, le dernier enseignement se resserrera sur elle, en particulier avec le sinthome. Il radicalisera le plus singulier du parlêtre, dont s’oriente l’acte de l’analyste. Dès lors, l’expression de 64 peut se revisiter, prenant appui du dernier enseignement, ainsi que des témoignages de passe, qui nous en transmettent le point crucial.

    Les détails

    En lien avec les évènements de l'ECF

    AUDIO

    L’invitation au voyage, du rêve…

    « Enfin Hypnos, sous ses deux grandes ailes bleues, qu’il referme comme une coque autour du dormeur, garde le corps dans son immobilité, le contient et le maintient dans son indolence suave, dans son inconscience silencieuse, afin qu’Oneiros, noir comme un corbeau, le visite, le traverse, le perturbe. »

    Invitation vous est faite de partager pour quelques instants la langue de Pascal Quignard, « La vie n’est pas une biographie ». Prenez ces quelques minutes, et laissez-vous porter par la voix de Jean-Christophe Gaston, qui sert/serre le texte avec souffle et présence. Vous serez saisis par la précision et la poésie du texte, où la langue elle-même se fait rêve.

    ECOUTER

    Evènements de l'ECF

    14 et 15 novembre 2020 | Paris

    J50
    ATTENTAT SEXUEL

     

     

    Les arguments

    14 et 15 novembre 2020 | Paris

    LE REVE
    Son interprétation et son usage dans la cure lacanienne

    "« J’ai quand même le droit, tout comme Freud, de vous faire part de mes rêves. Contrairement à ceux de Freud, ils ne sont pas inspirés par le désir de dormir. C’est plutôt le désir de réveil qui m’agite. Mais enfin, c’est particulier »[1] : ce propos de Lacan est l’exergue de l’argument du XIIe Congrès de l’Association mondiale de psychanalyse (AMP)[2]. Il sera mon point de départ pour parler de son thème : « Le rêve. Son interprétation et son usage dans la cure lacanienne ».

    Le désir de dormir ou le désir de réveil sont deux axes de travail à prendre en considération. S’agit-il d’un retour à Freud ? Oui ! Non que la psychanalyse se serait à nouveau détournée de sa voie, comme lorsque Lacan, écrivant son « Acte de fondation », entendait revenir à Freud pour en restaurer le tranchant. Retour à Freud, oui, mais pour mieux nous orienter à partir d’un point de vue proprement lacanien, à partir de l’orientation lacanienne.(...)"

    Lire la suite

     

    [1] Lacan J., « La Troisième », La Cause freudienne, n° 79, Paris, 2011, p. 24.

     

    [2] Le XIIe Congrès de l’AMP « Le rêve. Son interprétation et son usage dans la cure lacanienne », Buenos Aires, 13-17 avril 2020, informations et inscription ici https://congresoamp2020.com/fr/

    Site AMP

    « Rêvons un peu », propose Laurent Dupont dans un texte d’orientation que vous pouvez trouver sur le site de l’ECF, aux côtés de celui de Angelina Harari, directrice du Congrès de l’AMP, programmé à Buenos Aires du 14 au 18 décembre 2020, sous le titre « Le rêve, son usage et son interprétation dans la cure analytique ».

    L. DUPONT

    A. HARARI

    AU TEMPS DU (DE)CONFINEMENT

    Voici les contributions de nos collègues : Sandy Barritault, Stéphanie Bozonnet, Marie-Cécile Marty et Rafaële Nalon.
    Toutes les contributions sont accessibles sur notre site dans la rubrique "Au temps du confinement".

    Jusqu’à nouvel ordre

    Par Sandy Barritault

    Jusqu’à nouvel ordre. Cet énoncé m’a frappée de plein fouet lorsque notre Président l’a prononcé ce jeudi 12 mars, annonçant entre autres la fermeture des écoles. C’était une demi-heure avant que je rencontre les participants du cycle Découverte de la psychanalyse grenoblois pour notre soirée de travail. Une soirée à la fois studieuse et joyeuse, propice aux échanges, une diversion momentanée face au réel qui venait de faire effraction dans le rythme de nos vies.

    L’effet de cet énoncé a duré. La fermeture de mon cabinet fût une expérience éprouvante, tout comme l’impératif soudain de faire avec un quotidien radicalement différent. Confinés jusqu’à nouvel ordre. Les jours ont passé avec cette temporalité étrange que beaucoup décrivent. Les effets de l’énoncé s’estompant, le désir de travail a refait surface, celui de lire, d’étudier, de retrouver les projets en cours et les échanges avec certains collègues.

    Recréer les conditions du travail avec les analysants qui en ont fait la demande n’a rien eu d’évident : comment travailler hors de la présence des corps ? Comment composer avec la technique, les appels téléphoniques et en visioconférence ? Comment considérer ces rendez-vous à distance ? Et qu’en est-il de leur règlement ? S’agit-il de poursuivre le travail engagé avec les analysants dans une certaine continuité ou plutôt d’inventer une modalité de travail « temporaire » mais jusqu’à nouvel ordre ? Comment composer avec le contexte privé, qui n’est évidemment pas le lieu de l’analyste ?

    La lecture de l’Hebdo Blog 198 m’a permis de mettre un peu d’ordre dans toutes ces questions. Les textes témoignent en effet de cet embarras dans nos pratiques lié au contexte inédit que nous traversons, sans pour autant y apporter de réponses ou de voie/voix à suivre. Finalement, ne serait-ce pas les solutions et inventions de chacun, tant des analystes que des analysants qui sont autant de réponses ?

    Dans l’extrait du cours de Jacques Alain Miller que nous propose l’HB 198, la première phrase est la suivante : « La séance analytique se présente comme un rendez-vous », mais il s’agit d’un rendez-vous des corps. Le rendez-vous à distance nécessite que l’analysant contrarie le cours de sa journée pour se rendre disponible. En ceci, dans la logique de Jacques Alain Miller, ce rendez-vous a de la valeur. Cependant, l’impératif dont il est question n’est plus « viens », mais « appelle » ou « réponds ». L’impératif « parle », lui, est toujours d’actualité même s’il est évident que ça ne parle pas pareil hors de la présence des corps !

    Une analysante, lors d’un rendez-vous téléphonique, s’interroge sur un point récurrent pour elle. Je reste silencieuse quand elle termine d’énoncer cette répétition, qu’elle n’a pas identifié comme telle. Sa réaction est immédiate : « vous êtes toujours là ? ». Ici l’usage du silence non arrimé au corps de l’analyste renvoie à l’absence, là où mon intention était de laisser résonner le dire du sujet.

    Esthela Solano-Suarez, toujours dans l’HB 198, écrit : « Grâce aux gadgets on peut avoir la présence virtuelle de l’analyste chez soi, et lui parler. Si ce recours s’impose dans des circonstances exceptionnelles, est-ce pour autant une séance d’analyse ? ». Sa réponse est sans appel. « L’homme a un corps et il parle avec son corps, instrument de la parole (…) Le corps se jouit des effets traçants de lalangue qui l’affectent (…) ». Elle poursuit : « Le corps de l’analyste dans la séance analytique est l’instrument d’un discours sans paroles, donnant corps à l’acte analytique, et condensant dans le semblant la jouissance hors sens de l’analysant ».

    Le rendez-vous à distance, qu’il relève de la voix ou de l’image, a de la valeur, mais pas celle d’une séance analytique. La valeur qu’il revêt s’inscrit néanmoins dans le travail de chaque analysant, et c’est sans doute dans le contexte de chaque cure que nous pourrons nous enseigner de ses effets. Il n’a pas vocation à assurer une continuité des séances (à l’image de la continuité des soins) mais davantage de permettre un lieu d’adresse à chaque Un qui en fait la demande à partir de son actualité.

    Pour certains, les rendez-vous à distance sont une nécessité, en réponse à une urgence subjective. En effet, le confinement a entrainé la fermeture de certains établissements, comme des foyers l’hébergement, conduisant les résidents à séjourner dans leur famille. Là où la collectivité permet de réguler le rapport à l’autre pour le rendre supportable, la cohabitation familiale à huis clos soudainement imposée vient déstabiliser un équilibre souvent fragile. Le lien à l’autre se tend, ses demandes deviennent trop insistantes, sa présence trop consistante. L’analyste se fait alors partenaire du sujet pour soutenir ses solutions dans ce quotidien troublé. Un partenaire à distance certes, mais un lieu d’adresse nécessaire pour entamer un peu ce trop de présence de l’autre.

    Si le « déconfinement » se profile et avec lui la réouverture de nos cabinets, pour certains les corps ne seront pas encore au rendez-vous. Nous allons devoir continuer de composer avec l’inédit, pendant qu’un autre quotidien se dessine, bardé de recommandations sanitaires.

    Expérience

    Par Stéphanie Bozonnet

    La pratique de l’analyste ou du psychologue orienté par la psychanalyse a été réorganisée du fait du confinement. Après le temps du choc, j’ai décidé, comme d’autres collègues, de continuer ma pratique par téléphone, par écrit, par visio, au cas par cas. L’analyste ne lâche pas sur ce qui fait la cause de son désir et poursuit son offre : se faire le partenaire du sujet. Certains l’ont saisi, d’autres non. Certains ont continué les séances et leur fil, au téléphone ou par visio, toujours au travail de cerner le trou de la jouissance, qui ne laisse pas le sujet tranquille, même confiné. Pour d’autres, c’est de s’assurer que l’appui, nécessaire à leur existence, soit présent et les guide, borde les choses. D’autres encore se font plus discrets, sensibles cependant à la proposition. On vérifie que le transfert, à distance, reste vivant. Mais cette pratique ne remplace pas la présence des corps en séance qu’implique l’acte de parler. L’usage de la voix, du regard prend une autre dimension. Est-ce que la parole, l’association libre serait différente hors dispositif ? L’écoute, au téléphone, en visio, n’est pas une simple écoute. Le dispositif pourrait en porter la faille. Cela oblige l’analyste à être dans une écoute au-delà, d’entendre ce qui se dit. C’est là que l’analyste redonne présence au corps. On pourra mesurer les conséquences de cette pratique pour chacun dans l’après coup de cette crise et lorsque les séances reprendront en présence des corps.

    Ce temps du coronavirus nous pousse à inventer, aussi dans les différents espaces de travail de la psychanalyse. Notre cartel s’est poursuivi par Skype : la lecture des « Complexes familiaux », au temps du confinement s’enrichit des questions liées à notre pratique nouvelle, et à certaines conséquences que nous pouvons noter dans l’espace familial confiné. La psychanalyse, c’est aussi pouvoir se servir de la contingence, l’attraper au vol. C’est ainsi que j’ai accepté de poursuivre des séances d’Analyse de la Pratique pour des professionnels avec qui j’étais déjà engagée et qui traversaient une situation délicate. La distance entre les corps n’abolit pas notre désir et il en faut parfois du désir pour passer au-dessus des difficultés informatiques !

    La pratique au CPCT s’est vue aussi bouleversée, et notre recherche clinique a innové d’autres modalités d’échanges autour de cas cliniques qui interrogent ces nouveaux types de média. Le CPCT reste présent par l’appel du praticien, avec accord préalable du patient. Un lien actif entre praticiens est maintenu, fait d’écrits, de cas cliniques et des dialogues entre nous qui permettent de commenter ou d’interroger le cas. Le temps d’élaboration est ainsi prolongé par écrit, mais l’écrit n’est pas l’oral que nous pratiquions lors de nos groupes cliniques réguliers. Le temps de cette conversation vient se nommer dans un lieu pour les praticiens, sur le net, « Agora ».

    Internet et le corps parlant

    Par Marie-Cécile Marty

    « Le médium internet rejoint nos préoccupations théoriques sur le corps parlant. Le médium internet est comme un nouveau corps de l’Autre que les sujets s’incorporent et s’approprient pour répondre à leur propre question ». C. Leduc, Préambule à une clinique du réseau, LCD n° 97, p.76.

    En 1929, Freud inventoriait les « techniques du bonheur », réponse à une souffrance qui peut venir du monde extérieur, des autres, ou du corps propre. Avant le confinement, certains s’étaient déjà protégés, isolés, voire détournés du monde extérieur, qui aujourd’hui est mis sous contrainte par le risque de contagion par un virus. Le confinement ne les dérange pas. Pour d’autres, la promiscuité du confinement a mis à l’épreuve ce qu’il y a de plus familier dans l’expérience de voisinage forcé et continu avec les proches. Enfin, comme le souligne Freud, la souffrance est venue pour certains du « corps propre qui, voué à la déchéance et à la dissolution, ne peut se passer de la douleur et de l’angoisse comme signaux d’alarme »1. Chaque un chez soi a tenté de s’accommoder d’un présent pris en étau entre présent rétréci et présent dilaté2 dont JA Miller a souligné l’affinité de l’expérience avec l’objet a : « Petit a, c’est une constante, petit a a une certaine durée, une certaine épaisseur, et même une certaine inertie qui contraste avec l’extrême agilité du sujet barré, lequel ne pèse rien.(...) Le $, c’est une inconsistance logique qui apparaît justement dans les paradoxes où on ne peut dire ni oui, ni non. »3 Chacun s’est donc retrouvé avec la consistance de l’objet : oral anal, vocal, qui « chacun occupent une certaine place et qui sont liées à un certain temps – le regard, lui, a des affinités avec l’instant. »4

    Pendant le confinement, les écrans - fenêtres ouvertes sur le monde extérieur - polarisent le regard éclair : de nombreuses « publications », blagues, vidéos très drôles, un mot d’esprit, des textes, journaux littéraires autant d’efforts de poésie issus d’un désir singulier, qui parce que relevant de l’inconscient, est toujours « non-conformiste, excentrique, immaîtrisable »5.

    Le regard s’appesantit sur les divertissements parmi lesquels le format moderne de la « série » remporte un large succès. Certains s’en trouvent éjectés de tout rythme. Ils ne dorment plus, l’appétit du regard court-circuitant le sommeil qui d’ordinaire suspend le rapport corps-jouissance. Le regard est aussi polarisé par les informations en surproduction angoissent et en appellent au discours qui ordonne et protège. Les informations de masse tentent d’approcher le réel de la mort. Les chiffres attrapent en temps réel les morts qui sont autant de tragédies individuelles et tentent de proposer une élucidation à l’instant « T » sur la puissance de frappe d’un ennemi invisible. Un impossible à cerner par la parole qui alimente la discorde. Les techniques médicales tentent de prendre la main sur le virus et l’éradiquer, pendant que chaque expert tente de produire une vérité, qui parce que partielle et relative, s’avère fausse ; la vérité est rappelée à l’ordre par l’objection du réel.

    Dans la mesure où il y l’objet regard, voix, oral…, il y a circuit pulsionnel, il y a le rapport du corps et de la jouissance. Par exemple, sur les réseaux sociaux, le signifiant gel –pur produit de la pandémie – s’est articulé au signifiant alcool et a donné lieu à des caricatures, photos, jeux de mots, vidéos. L’alcool a retrouvé une dimension sociale dans la pratique de retrouvailles autour d’un verre entre amis par vidéo. Dans le même temps, le discours du maitre met en garde contre les addictions : attention aux plaisirs solitaires, idiots.

    Pendant le confinement, les remèdes freudiens à la souffrance s’exposent plus que jamais par la fenêtre ouverte sur le monde via les écrans, donnant à voir la bigarrure du monde6. Ces trois remèdes que sont les « puissantes diversions, les satisfactions substitutives et les stupéfiants »7 sont, pour chaque sujet, à la fois des moments de vérité et d’illusionnement. A la fin du confinement, il appartiendra au psychanalyste de repérer, au cas par cas, ce qui a fait que le sujet confiné a fait une place stable ou temporaire à un remède plus qu’un autre dans sa libido et à un nouveau rapport à l’Autre.

     

    1S. Freud, Malaise dans la culture, p.19.

     

    2Ibid, p.5.

     

    3J.A Miller, L’érotique du temps, LCD n°56, p.84.

     

    4Ibid

     

    5J.-A. Miller, Un effort de poésie, leçon du 5 mars 2003.

     

    6S. Freud, Malaise dans la Culture, p.5

     

    7Ibid, p.17.

    Prendre le large en temps de confinement

    Par Rafaële Nalon

    Le hasard parfois a des malices réjouissantes. Une semaine avant le confinement que nous vivons actuellement, une amie me prête trois livres. « O solitude », « Abîmes ordinaires » et « La vie parfaite ». Je découvre Catherine Millot, l'élégance de son écriture, la finesse de sa pensée, et sans aucun doute était-ce le temps et le lieu idéaux pour cela. Isolée dans ma montagne, hors des contraintes du travail et de l'horaire, j'étais prête à entendre du nouveau.

    Catherine Millot s'intéresse aux mystiques, à ces femmes qui ont pu témoigner d'un cheminement vers l'oubli du moi et l'accès à une transcendance sans pourquoi. Elle sait quelque chose de ces expériences de détachement. Dans « Abîmes ordinaires », elle écrit « Avoir été un jour au monde sans défense et sans réserve, tout abri renoncé, aussi vide que le vide où se tiennent toutes choses, libre et sans frontières, est une expérience inoubliable. C'est aussi une expérience humaine fondamentale qui enseigne à trouver son sol dans l'absence de sol, à prendre appui dans le défaut de tout appui, à ressaisir son être à la pointe de son annihilation ». (Catherine Millot, Abîmes ordinaires, p.152)

    Dans « La vie parfaite » elle illustre avec Jeanne Guyon, Simone Weil et Etty Hillesum et leurs cheminements uniques cette approche du Réel qui permet d'apercevoir ce que Lacan nomme la Chose. Ce qu'elles nomment Dieu, comme un acquiescement infini, y compris face à l'intolérable, est au-delà du principe de plaisir « il ressemble à la Chose de Lacan, que nous ne connaissons que par son Vide. Cette chose, qui est le champ de la jouissance perdue de toujours, est aussi le lieu où advient parfois celle des femmes, cette autre jouissance qui ne se confond pas avec une affaire de foutre, ni avec les convulsions et les pâmoisons, mais avec cette étrange liberté que Guyon appelle le Large ». (Catherine Millot, La vie parfaite, p.256)

    « Longtemps, j'ai cru que c'était leur jouissance qui m'attirait. Je ne voyais pas que c'était leur liberté. C'est Mme Guyon qui m'éclaira, son naturel sans ambages, son style étincelant qui coule de source. Grâce à celle qui connut les sombres prisons de l'Ancien Régime où l'on disparaissait sans procès et parfois sans retour, j'ai appris comment nommer cette liberté inconnue, peut-être à jamais perdue, dont je cherche les clefs. En Français, cela s'appelle « le Large ». (Catherine Millot, La vie parfaite, p.11).

    Les mystiques sont des gens qui prennent le large, voilà ce qu'elle m'a enseigné.

    ANNECY - GRENOBLE - LYON - VALENCE

    Visitez notre site internet

    Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux  
    Twitter Association Cause Freudienne Rhône-Alpes Facebook ACF Rhône-Alpes

    Vous avez reçu cet email car vous êtes abonné à la Newsletter de l’Association de la Cause Freudienne.
    Vos coordonnées ne seront pas utilisées à des fins de prospection commerciale. Conformément à la réglementation applicable en matière de données à caractère personnel, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition de vos données à caractère personnel que vous pouvez exercer en nous contactant à l’adresse email : acfradelegation@gmail.com ou par courrier à l’adresse suivante :
    Association de la Cause Freudienne, chez Véronique Herlant, 3, rue Jangot, 69007 Lyon.

    Si vous ne souhaitez plus recevoir d'e-mails de notre part, vous pouvez vous désabonner