Newsletter Mars 2021

  • Newsletter ACF Rhône-alpes

    NEWSLETTER | MARS 2021

    EDITORIAL

    Faire fonction d’interprète dans la discorde des langages

    On peut dire que le monde se fragmente, le climat se dégrade, les marchés se dérégulent, les collectifs font collections des uns-tout-seul, les addictions augmentent, le symbolique se fait bouffer par l’imaginaire, les libertés vacillent, la pandémie n’en finit pas, les discriminations s'accroissent et les liens familiaux continuent de se fractionner... Ainsi va le monde. Il affronte un désordre symbolique sans pareil mais pas sans conséquences sur le rapport critique au réel sans loi, et par conséquent sur notre pratique de la psychanalyse. Lacan l’avait repéré, la postmodernité produit la ségrégation. Celle-ci prend désormais des formes sécuritaires et radicales qui se répandent au nom de causes aussi multiples que désassorties et opposées. De son côté, la science travaille à fournir des solutions sanitaires, biochimiques et technologiques aux nouvelles impasses que rencontrent les Parlêtres. Elles ont l’objectif premier d’intervenir directement sur le vivant et comportent le risque de barrer la dimension subjective.

    É. Laurent, saisissant le symbolique au XXIème siècle1, élève le désordre symbolique à la hauteur de témoin du réel de la lalangue. Il rappelle alors, à l’instar de J.-A. Miller2, qu’en 1953, Lacan soulignait la nécessité pour le psychanalyste de ne pas reculer devant son temps : « Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages »3.

    Dans cette discorde se joue le « il n’y a pas de rapport », et par-là même un nouveau rapport au corps, duquel la pratique psychanalytique se déduit. Avec le Parlêtre, Lacan a introduit l’inconscient réel et l’événement de corps. Au moment des restrictions sanitaires qui réduisent depuis un an nos rencontres, nous prenons la mesure de ce qui est fondamental dans la présence des corps en séance. Se faire partenaire, c’est pour l’analyste le faire en corps. Y mettre de son corps pour faire réson avec le désordre du corps du parlêtre.

    Ainsi retentit la préparation des prochaines journées de Pipol 10 « Vouloir un enfant ? Désir de famille et clinique des filiations ». La question de la multitude des langues qui organise aujourd’hui les variabilités des formes familiales et les expériences inédites d’inscription dans la filiation est patente. L’orientation lacanienne, d’en tenir compte, privilégie le un par un d’où peut s’extraire de la lalangue un dire singulier, une différence absolue. Faire fonction d’interprète dans la discorde des langues, c’est d’une part respecter le discours de nos adversaires et en tenir compte et d’autre part, se risquer au-delà de l’interprétation à saisir le dis-corps pour produire un dire, écho d’un peu de cette jouissance radicale avec laquelle se débat silencieusement le parlêtre.

    C’est le moment pour les praticiens, dont la parole reste le fondement de leurs pratiques, quels que soient leurs lieux d’exercice, de participer à ces journées en n’hésitant pas à exposer leur travail. Vous trouverez dans cette newsletter l’appel à contributions. Il est temps de s’inscrire à OMBILIC, la newsletter de PIPOL 10, bouillonnante d’articles et de contributions bien orientés, qui innove avec des capsules vidéos nouant la psychanalyse aux champs connexes. OMBILIC, déjà le 6ème numéro, se présente comme une formidable introduction à ces journées.

    Alors, dans ce moment de printemps restreint, restons en éveil !

     

     


    Jocelyne Huguet-Manoukian, Déléguée régionale

     

    1Laurent É., « L’ordre symbolique au XXIème siècle, conséquence pour la cure », 2010/03, n° 76, p. 15.

     

    2Miller J.-A. in journal des Journée, n° 78, mercredi 6 janvier 2010, publication électronique diffusée sur les listes de l’AMP.

     

    3Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 321.

    Actualité de l'Eurofédération de Psychanalyse

    3-4 Juillet 2021 | En visioconférence

    PIPOL 10 : VOULOIR UN ENFANT ?
    Désir de famille et clinique des filiations

    Les transformations sans précédent de la famille et de la parenté depuis plus d’un siècle bousculent l’émergence du désir d’enfant et de la jouissance qui s’y trament. La psychanalyse ne saurait ignorer ces remaniements profonds et, comme le souligne Dominique Holvoet dans l’argument de ces journées, « elle y est convoquée à divers titres ». Jacques Lacan, lecteur de Claude Levi-Strauss, avait souligné la primauté des modalités d’alliance comme ordonnant l’organisation des systèmes de parenté. Depuis, les avancées de la science sur le vivant ont mis à jour leurs caractères de semblants et desserré le désir d’enfant de son carcan historique et traditionnel. Cela ouvre à de nouveaux usages et tend également à l’ illimité, qui bien qu’inscrit le plus souvent sous la forme d’un droit, n’en prend pas moins dans ce cas la forme d’un égarement. Si la psychanalyse n’a pas à en juger, elle se doit d’interroger la manière dont le parlêtre trouve à s’inscrire dans sa filiation et la transmission qui s’en suit.

    Reprendre et renouveler l’appui inaugural de J. Lacan partant des complexes familiaux a de quoi produire de l’enthousiasme pour appréhender les usages contemporains !

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    PRÉSENTATION

    LES SIMULTANÉES PIPOL 10 • Par quelle porte entrer dans le thème pour écrire un texte ?

    Le thème de PIPOL 10 : « Vouloir un enfant ? Désir de famille et clinique des filiations » est-il d’un abord abrupt pour écrire un texte pour les simultanées de PIPOL 10 ? Ici ou là, on entend des collègues qui ont pensé à un cas mais qui se demandent s’il entre bien dans le thème.

    Eh bien, heureusement, ce thème est très large. Tout d’abord, il ne se limite pas à « vouloir un enfant », mais il concerne aussi « la famille » avec la multitude de remaniements qu’elle connaît depuis plusieurs décennies, et avec elle, les questions de « filiations », qui prennent un degré de complexité jamais connu jusqu’à présent.

    En outre, loin de se cantonner à l’intervention de la science dans la procréation via les PMA et autres GPA, ce thème propose de multiples portes d’entrées possibles pour aborder la clinique. En voici quelques-unes, dans une série loin d’être exhaustive :L’enfant désiré, l’enfant objet a, l’enfant symptôme, l’enfant adopté, l’enfant et l’amour, l’enfant non désiré, le refus d’enfant, le déni de grossesses, l’enfant abandonné, l’infanticide, la procréation impossible, un enfant à tout prix, l’enfant de la science, le choix du sexe, prédire l’enfant, le commerce de la conception, l’enfant et les comités d’éthique, le gel du temps, vouloir être parent, être père, être mère, la mère et la femme, procréation et sexualité, la naissance et la mort, le roman familial, la famille nombreuse, la famille institution, la famille fragmentée, la famille recomposée, la famille et la tradition, la famille et le droit, les relations de parenté, filiation et transmission, nouvelles alliances,…

    Il est plus que probable que l’un ou l’autre de ces signifiants fasse résonner la pratique de chacun, ou en fasse résonner d’autres.

    Il reste jusqu’au 10 avril, à minuit, pour envoyer votre proposition de texte complet, en anglais, en espagnol, en français, ou en italien, à l’adresse suivante : poblome.guy@gmail.com

    Pour être pris en considération, merci de suivre les indications suivantes : 7500 signes espaces compris ; Format Word, police de caractères Arial 12, espacement interlignes de 1,5 ; Nom du fichier : NOM-LANGUE (par exemple : DURANT-FRANÇAIS) ; En haut de la première page, centrés : Titre du texte et en dessous vos nom et prénom, email et région de travail.

     

    Guy Poblome

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    ACTUALITES ACF

    30 mars 2021 | Grenoble - Visioconférence

    Brèves de cartel

    À Paris, au théâtre Dejazet Jacques-Alain Miller a donné son dernier cours de 2010 à 2011 : L'être et l'Un. A la fin de cet enseignement, il décida d'en changer le titre : L'Un-tout-seul ! C'est sous cette nouvelle appellation que le livre de cet enseignement fut publié en 2017.

    C'est une percée dans le dernier enseignement de Lacan, celui qui nous fait entendre la façon dont le parlêtre est ordonné, avant toute chose, par son mode de jouissance.

    À Grenoble, quatre cartellisants, plus un, sont à l'œuvre sur ce dernier cours de J-A Miller. Pour une soirée, nous les avons invités à partager leurs trouvailles. Quelques présentations concises, tranchantes, brèves seront l'objet d'une lecture attentive confiée à notre collègue Sylviane Renaut.

    Elle aura lieu le 30 mars 2021 à 21h en visioconférence et sera réservée plus particulièrement aux cartellisants de Grenoble. Nous comptons sur la circulation des travaux pour maintenir vivants les liens entre les cartellisants des différents cartels en cours.

     

     

     

     

     

    31 mars 2021 | Valence - Visioconférence

    « L'ART E$T LA SUBLIMATION »

     

    Le mercredi 31 mars 2021 à 20h30 aura lieu une soirée en visioconférence avec Jacqueline Dhéret, psychanalyste membre de l'Ecole de la Cause freudienne, enseignante à la Section Clinique de Lyon, et Patrick Hollender, psychanalyste, auteur du livre « L'ART E$T LA SUBLIMATION ». Freud l'avait dit « L'artiste précède toujours le psychanalyste », et Lacan a précisé « Le psychanalyste n'a pas à faire le psychologue là où l'artiste lui fraie la voie. » Mais un dialogue fécond peut se nouer entre deux disciplines qui ont en commun de tenter un traitement de l'impossible à dire et de la douleur d'exister. Patrick Hollender détaille au fil des œuvres et des siècles comment chacune éclaire l'autre.

     

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    12 juin 2021 | Annecy - Visioconférence

    « LIBERTÉ ET DÉTERMINISME »

     

    Le samedi 12 juin 2021 à 10h00 aura lieu une matinée en visioconférence avec Stéphanie Astruc, professeure de philosophie et Maï Linh Masset, psychanalyste, membre de l'Ecole de la Cause Freudienne, en présence de participantes de cartel de Haute-Savoie.

    Si dans ses jeunes années du lycée Freud avait pu écrire que « la décision est née en moi de passer le doctorat de philosophie… »1, par la suite, il prendra ses distances avec toute tentative de faire de la psychanalyse un système philosophique. Cependant, il multipliera les références à certains systèmes afin d’argumenter sur les enjeux théoriques de la psychanalyse. Ainsi, un dialogue enrichissant peut se nouer entre ces deux disciplines qui ont en commun de tenter de cerner le Réel.

     

    Nous reprendrons ce dialogue à notre compte avec nos deux invitées qui nous emmèneront dans un propos croisé entre philosophie et psychanalyse quant à la question de la liberté et du déterminisme.

     

     

    1Lettres de jeunesse, Freud, Gallimard, 1990, p.137.

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    15 juin 2021 | Lyon - Visioconférence

    « VOULOIR UN ENFANT ? Méandres contemporains du désir, non-désir »

     

    Vouloir un enfant est-il un désir ou non désir d’enfant ? Qu’est-ce que le désir ? Qu’est-ce que le désir d’enfant ? Les avancées de la médecine propulsées par les progrès technologiques déterminent une nouvelle imagerie du corps « en pièces détachées ». Les appareils ou systèmes qui assurent les fonctions biologiques sont rigoureusement décomposés afin d’en déceler les éléments, leurs articulations et leurs modalités. Cela permet de pallier de nombreux problèmes que rencontrent hommes et femmes face aux impasses biologiques des étapes de la procréation. Sur le plan des techniques médicales : ovocyte, spermatozoïde sont isolés, conservés, désarticulés, fécondés, implantés. Ils font l’objet de manipulations hors et dans les corps des parents et des anonymes qui font dons. Quelles conséquences pour les parlêtres, « habitants du langage » au XXIème siècle ?

    À partir de cas cliniques, les membres d’un cartel essaieront de questionner quel désir se cache derrière la demande d’enfant adressée à une institution qui propose une Assistance Médicale à la Procréation, et quelle jouissance peut se révéler derrière la question du désir d’enfant quand elle est éludée par la réponse de l'acte d’aide à la procréation.

     

     

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    CARTELS

    Les « cartels ZSW », des cartels quand même ? !

    Par Sandy Barritault

    Les sigles et autres acronymes font partie des nouveaux signifiants de notre époque, signes de notre civilisation, avec leurs effets de langage. Nous n’avons pas ici l’intention de déposer une marque, mais d’interroger en quoi un cartel par Zoom/Skype/WhatsApp reste un cartel selon les indications de Jacques Lacan. Le cartel est conçu sur le principe d’une élaboration soutenue dans un petit groupe. Chacun d’eux (…) se composera de trois personnes au moins, de cinq au plus, quatre est la juste mesure. PLUS UNE chargée de la sélection, de la discussion et de l’issue à réserver au travail de chacun1.

    La fonction de plus-un imaginée par Jacques Lacan confère au cartel sa spécificité, la dimension particulière qui le distingue d’un groupe de travail ou de lecture classique. C’est également ce qui produit son caractère indissociable de l’École de la Cause freudienne. Le plus-un n’a pas vocation à tenir une place hiérarchique quelle qu’elle soit, il n’est pas non plus représentant ou garant d’un savoir quelconque, il veille aux effets internes de l’entreprise, et d’en provoquer l’élaboration.2

    La crise sanitaire que nous traversons induit une restriction drastique du lien social en général, non sans conséquence dans notre communauté de travail. Les rencontres bien souvent stimulent notre désir, articulé au transfert de travail. D’ailleurs, les « cartels ZSW » ne sont pas apparus avec cette crise, certains qui désiraient étudier ensemble, malgré un éloignement géographique par exemple, les avaient déjà pratiqués. L’usage de ces médias s’est déployé, tendant à réduire un peu le manque de présence de l’autre, maintenant le lien de travail, parfois décuplé ! La position qu’occupe le plus-un ne varie pas avec le dispositif en visioconférence, ainsi la singularité du cartel et la perspective dans laquelle Lacan l’a inscrit semblent préservés. La visioconférence agit comme une limitation de la rencontre mais n’empêche pas la portée de l’étude. L’objet du cartel est bien là, assuré par le plus-un.

    Lacan ne se contentait pas des lettres manuscrites sur parchemin, il répondait au téléphone et envoyait volontiers des télégrammes pour que ça aille plus vite. (…) Il y a des dits qui portent, même transportés par internet. (…) Il faut [s’en]servir pour ensuite s’en passer.3

    Servons-nous en… sans trop y croire toutefois, rien ne vaut la rencontre, « en-corps » !

    N.B. : Pour information, la délégation aux cartels se dote d’une nouvelle adresse mail : acf.dr-ra-cartels@causefreudienne.org

     

    1Lacan J., Acte de fondation, Autres Écrits, Paris, Seuil, pp. 229

     

    2Lacan J., D’Écolage, 11 mars 1980, https://www.causefreudienne.net/cartels-dans-les-textes/

     

    3Laurent É., Jouir d’internet, La Cause du désir, novembre 2017, n°97, Internet avec Lacan, Navarin, p.18.

    L'IMPRÉVU DES CARTELS

    Les effets du cartel !

    Par Virginie Fara

    J’ai pu témoigner fin 2019 à Grenoble d’une expérience singulière de cartel et du mouvement subjectif qui s’était opéré pour moi, de la levée, partielle, d’une inhibition face au savoir, grâce à ce qui s’est formulé comme « altérité fraternelle », expiration comme réponse à l’inspiration proposée par Lacan de « fraternité discrète ». Devant l’ambition et l’engagement joyeux de mes camarades de cartel, le choix entre continuer à jouir d’une position toute d’exclusion ou assumer une place autre, extérieure mais bien présente, s’est fait jour et m’a permis de consentir au manque. J’avais ainsi de nouvelles coordonnées pour me mettre au travail : la décomposition du Savoir en savoirs, l’amour pour l’alter, l’effort.

    Lors d’un cartel actuel, j’ai pu cependant me rendre compte que ces conditions n’étaient pas suffisantes. Je réussissais à lire les textes convenus mais il m’était très difficile d’en dire quelque chose. L’inhibition était toujours nichée au cœur de mon rapport aux savoirs. L’insupportable de ce symptôme m’a poussée cette fois à formaliser la dimension de l’adresse et de m’engager à partager ma lecture du cours 5 du séminaire « L’Être et l’Un » de Jacques-Alain Miller.

    Cette position m’a fait découvrir un nouvel abord de la lecture, le plaisir de me laisser traverser et de travailler à partir des restes. J’en témoignerai lors de la soirée « Brèves de cartel » du 30 mars 2021 à Grenoble.

    « Yad’l’Un », avec adresse.

    Question de cartel !

    Par Iris Suarez

    Les questions qui me travaillent actuellement orientent mes lectures en cartel. Elles sont en lien très étroit avec la pratique de la psychanalyse, ou plutôt avec l’expérience analytique, dénomination utilisée par Lacan et qui se substitue à celle de cure analytique. Ce point mérite un petit détour. Le mot expérience fait résonner ce qui se vit de manière singulière, unique. Dans une expérience nous y sommes avec nos pensées, nos mots et notre corps. De cette expérience si particulière qui est une analyse se détachent des effets thérapeutiques ainsi que des effets de formation, ou didactiques si l’on souhaite revenir à une dénomination utilisée en psychanalyse critiquée et remaniée par Lacan.

    Mon propos tentera de cerner une phrase que Jacques-Alain Miller reprend à Lacan (dans le cours du 2/2/2011 de l’Un tout seul) : « dans l’analyse, il n’y a pas de réel ». Cette phrase a eu une résonance énigmatique et m’a mise au travail.

    Dans l’expérience analytique, nous sommes invités à dire ce qui vient sans trop y réfléchir, la règle de l’association libre nous invite à parler. Ce temps initial est un temps d’imposture, nous oublions qu’il ne s’agit que de paroles. Le génie de Lacan a été d’introduire la structure signifiante pour traiter « les paroles ». Si l’on se réfère à celle-ci, les paroles se déroulent en chaînes signifiantes avec ses lois de combinatoire qui ordonnent le discours et qui produisent des effets psychiques. Place à l’ordre symbolique qui contient le mot d’ordre : il ordonne. Ici, le réel est conçu comme ce qui revient toujours à la même place dans la répétition liée à l’ordre symbolique. Il s’agirait d’un réel lié étroitement au symbolique. Jacques-Alain Miller le nomme réel-ordre.

    L’usage (dans le Séminaire XI, p. 64) de termes aristotéliciens de Tuché et Automaton va permettre à Lacan de refaire un tour sur le lien entre le Réel et le Symbolique. Il identifie l’Automaton à l’ordre généré par le symbolique (les signifiants qui insistent, permutent...) et la Tuché à ce qui n’obéit pas à une loi, qui vient comme « au hasard ». Le Symbolique sera assimilé à l’Automaton et le Réel à la Tuché, ces deux termes, se trouvant, par cette analyse, séparés. Nous pouvons reprendre la formule du réel qui revient toujours à la même place mais cette fois, comme l’inassimilable, le réel traumatique. Ce qui viendrait faire trou dans la chaîne signifiante, ordonnée par les lois de l’ordre Symbolique. Ce que Lacan appelle le réel sans loi.

    Deux interprétations de la répétition : le réel-ordre et le réel-trauma.

    Revenons à l’expérience analytique et à la formule « il n’y a pas de réel dans l’analyse ». Une partie s’éclaire pour moi tandis qu’un questionnement reste. Pour ce qui concerne ce qui est devenu un peu plus clair je ferais un bref détour en passant par le concept de fantasme pour vous le restituer.

    Le fantasme est l’interprétation que le sujet a fait du réel, du réel d’être dans la vie. Dans sa formule, le sujet divisé par l’effet du signifiant est mis dans un rapport de conjonction -disjonction (le losange) avec le petit a comme élément non appartenant à la logique signifiante. De ce fait, il est fenêtre sur le réel, c’est-à-dire, la manière subjective de chaque Un de voir et d’être dans le monde. Jacques-Alain Miller parle du fantasme comme d’une fonction singularisée du réel, je trouve cette formulation très heureuse. D’un autre côté, le fantasme fonctionne comme écran du réel mais aussi de l’être du sujet : le « qui suis-je ? » Question posée dans l’expérience analytique. Quand notre manière d’interpréter le réel nous fait souffrir, il se peut qu’on aille rencontrer un analyste.

    L’expérience analytique est une expérience de parole, qui permet de déconstruire, avec des mots, ce montage qui fait tenir notre monde qu’est le fantasme. Cela produit des effets épistémiques, cela produit un savoir (ainsi qu’un allégement de la souffrance première). Cette expérience n’est pas virtuelle, elle demande la présence des corps, d’un corps qui se déplace, qui attends, qui bouge plus ou moins (le confinement nous a permis de vivre d’autres expériences). Des effets s’y produisent du fait de la présence des corps. Il me semble important de tenir compte de ce réel des corps et de ce qui s’y passe dans le corps.

    Donc, la question qui reste : pouvons-nous parler du réel des corps (sexués) en présence dans l’expérience ? Dans ce cas, dans l’analyse il n’y a pas de réel reste lié au réel inassimilable, au réel irrattrapable par les signifiants ?

    COMMISSION AUTISME

    Le Champ Freudien Éditeur

    « Parents et psychanalystes pensent l'autisme »

    La commission autisme attire votre attention sur la sortie d’un ouvrage d’importance qui regroupe des contributions des enseignements du Centre d’Etude et de Recherche sur l’autisme : Parents et psychanalystes pensent l’autisme

     

     

    Stéphanie Bozonnet

    SOMMAIRE

    Éditions des Busclats

    « Au bois dormant » Marie Desplechin et Thierry Thieû Niang

    DANSER AVEC DE JEUNES AUTISTES

    « Je me suis figurée que la danse venait avant. Avant la sculpture, avant la peinture, avant la musique même ». Marie Desplechin nous introduit à l’aventure poétique du travail du danseur et chorégraphe Thierry Thieû Niang avec de jeunes autistes. Avec lui, une langue toujours nouvelle, « pur présent, imprévisible », s’invente avec Célia, Mathieu, Arnaud, Victor. Mathieu apporte avec lui la distance et l’étreinte, Célia compose de mur en mur, propose sa course sans fin. Arnaud l’énigmatique, celui qui n’avait jamais prononcé aucun mot dit à l’artiste : danse ! danse ! « Le corps est toujours le lieu d’où le sens s’échappe » confie Thierry Thieû Nang. Enfin Victor, le mystérieux est celui avec qui le danseur partage une complicité aussi mystérieuse que bouleversante toute en approches, frottements, évitements… « Il y a toujours un corps qui fait de l‘ombre à un autre corps » retient le danseur. Voilà un livre délicat et précieux sur le bruit et le silence du mouvement des corps. Un livre qui réveille la subtilité du parlêtre qui danse. Il se passe quelque chose d’inédit !

     

    Jocelyne Huguet-Manoukian

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    ECHOS

    06 mars 2021 | Lyon - Visioconférence

    Matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux

    Par Sandra Héroux

    Le 6 mars 2021 sur l'initiative du Centre Interdisciplinaire sur l'ENfant et de la Commission Autisme de l'ACF-RA nous nous sommes retrouvés à plusieurs (75 inscrits) en visioconférence pour travailler autour du thème : « Savoir faire parler les désordres »1 avec notre invité : Bruno De Halleux, psychanalyste en Belgique, membre de l'École de la Cause freudienne, ancien directeur thérapeutique de l'Antenne 1102. « Une matinée Européenne », donc, puisque des collègues intervenaient depuis la Suisse, et Bruno De Halleux, de Belgique. Elle fut consacrée à « la pratique à plusieurs »3 auprès de sujets autistes.

    Marie-Cécile Marty, psychanalyste membre de l'École de la Cause freudienne, psychologue et Fabienne Réa, éducatrice spécialisée, nous ont présenté Stéphane, jeune sujet de 16 ans étiqueté « autiste », accueilli au sein d'une institution pour adolescents. Elles nous ont indiqué le recours croissant à des diagnostics d’autisme pour les jeunes en situation de décrochage scolaire, ce qui semble conduire à un « tous autistes », qui pose la question du diagnostic même. Stéphane se sert de l'item fourni par le discours du maître pour s’identifier : « pas sociable ». Il peut alors, malgré cette difficulté avec le lien social, s’appuyer sur sa psychologue et son éducatrice, pour en faire usage. Marie-Cécile Marty et Fabienne Réa soulignent combien l'attention aux menus détails, le maniement du transfert sont au cœur de leur pratique : cheminer avec le sujet, étape par étape, s'en faire partenaire, nuancer, tempérer et non pas contrer, autant de « bonnes pratiques » appliquées par ces praticiens en institution.

    Christiane Ruffieux, psychanalyste membre de la New Lacananian School et Juliette Duval, psychologue, ont présenté leur invention : la création d'un atelier informatique auprès de jeunes autistes au sein d'un Centre Chablaisien de Psychiatrie et de Pédopsychiatrie en Suisse. Le centre est orienté par la psychanalyse lacanienne avec, précise Christiane Ruffieux :« juste une boussole : se situer comme passeur du lien social ». Juliette Duval par la présentation de « flashs cliniques » a su démontrer ce que peut signifier pour un praticien : se laisser enseigner par le sujet, et « écouter les autistes » selon la formule de Jean-Claude Maleval. Ainsi, Juliette Duval évoque un jeune passionné par les puzzles qui lui a permis de consentir à délaisser sa propre logique, son savoir, pour suivre la logique du sujet dans la réalisation de son jeu.

    Ces présentations « clinico-institutionnelles » comme les a nommées Nicole Borie, ont donné lieu à de vivifiants échanges éclairant l'éthique de la psychanalyse d'orientation lacanienne qui soutient l'absence de programme préétabli, de protocole normatif. « Toute notre clinique se joue au cas par cas » rappelait Bruno De Halleux. Des petits bouts de savoir se détachent au fil de cette matinée : quelques-unes des modalités de la pratique à plusieurs pourraient être de « Savoir faire parler les désordres » d'une certaine manière et aussi se faire « passeur du lien social », pas sans le transfert. Bruno De Halleux soulignait dans son intervention le formidable désir de savoir transmis par Virginio Baio à toute une génération de praticiens en institution et d'analystes. Eh bien lors de cette matinée Bruno De Halleux a également constitué pour nous un formidable « passeur de savoir ». Sa conférence intitulée : « Une pratique à plusieurs à l'Antenne 110, renouvelée » a eu cet effet de nouveauté, un nouvel abord de la pratique à plusieurs avec les enfants autistes s'est entendu. Son précieux et rigoureux enseignement nous a invités à cheminer de Freud jusqu'au tout dernier enseignement de Lacan, un trajet de la clinique du symptôme à la clinique du sinthome. Bruno De Halleux dans son souci de transmission rendit son propos accessible en dépliant comment une pratique à plusieurs peut faire passer la clinique d’un point d’appui centré sur le sens à un abord par le symptôme. Dans ce trajet de la clinique du signifiant à la clinique du hors sens, la seconde n'annule pas la première, mais permet son renouvellement.

    « La clinique de la parole relevant d'une pratique à plusieurs est d'abord une pratique propre au langage. Elle tient à un certain maniement du signifiant. (…) Un jeu subtil de la parole, une circulation incessante d'un désir marqué par le sérieux et la gaieté des intervenants ». Le symptôme dans cette clinique de la parole est pris dans une logique binaire du signifiant, tandis que la pratique à plusieurs renouvelée prend en compte l'inexistence de l'Autre et s'appuie sur la logique du Un tout seul. Elle vise à se rapprocher du réel qui s'oppose à la vérité, au sens et nous permet de saisir la dimension du corps en tant que réel. « Le sujet autiste est par excellence un sujet qui se fait représenter par un signifiant tout seul ». Bruno De Halleux, par deux vignettes, nous a fait part de cette clinique de la sinthomatisation. Matinée fort intéressante pour chacun(e) des praticiens en institution, qui a pu démontrer comment, selon l’affirmation de Lacan, il est possible de chercher « quelque chose à dire »4 au sujet autiste, un dire visant le réel. Enthousiastes ! Souhaitons que cette matinée fasse série !!

     

    1Judith Miller

     

    2Antenne 110, institution du Réseau International d’Institutions Infantiles, RI3

     

    3Invention, précise Bruno De Halleux, produite par Jacques-Alain Miller lors d’un contrôle de Virginio Baio lui parlant de l'Antenne 110

     

    4Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme », texte établi par J.-A. Miller, La Cause du désir, n° 95, avril 2017

    Sur le site

    06 mars 2021 | Lyon - Visioconférence

    Matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux

    Par François-Xavier Fénérol

    Nécessaires subversions des façons de faire ordinaires

    Cette matinée m’a particulièrement intéressé. Elle m’a permis de faire quelques avancées de plus pour soutenir la dimension politique essentielle de pratiques nouvelles d’accompagnement, à visée éducative, pédagogique ou thérapeutique. Ces pratiques nouvelles que produisent des praticiens qui ont recours à des enseignements psychanalytiques pour traiter les butées et les impasses rencontrées lorsqu’elles se réalisent conformément au discours courant. Je me suis donc appuyé sur les enseignements des vignettes pratiques et des apports théoriques pour soutenir l’hypothèse d’une subversion structurelle selon trois dimensions que j’ai pris l’habitude de nouer : clinique (subjectivités et socialités singulières), organique (modalités d’ordonnancements des relations ordinaires) et politique (modes de subjectivation et de socialisation). Comment établir l’intérêt et la pertinence de ne plus croire et de ne plus se fier aux vertus de l’Institution du Sujet et son existence en-soi, mais de s’appuyer sur les effets et les conséquences pragmatiques d’institutions (au sens actif) de parlêtres au cas par cas et au jour le jour ?

    Dans sa conférence, Bruno de Halleux nous a rappelé comment Lacan passe d’une clinique où domine le Symbolique et prévaut l’existence de l’Autre, à une clinique du Réel, de l’Un-tout-seul, sans Autre. On passe, dès lors, d’un symptôme à déchiffrer, porteur d’un sens caché, à un symptôme à lire, à la lettre. Prenons cela du côté de la subversion qu’opère le Discours analytique quant au Discours du Maître, et le Discours de l’Hystérique quant au Discours universitaire. En conséquence deux voies se présentent dans la « restauration » des discours subvertis : la voie dogmatique ou la voie critique. Subversions et restaurations qui se démontrent en particulier dans les pratiques quotidiennes auprès d’enfants ou d’adolescents autistes ; d’où l’enjeu politique de la constitution dans l’établissement d’un discours courant autre, nouveau.

    Cette subversion s’articule avec celle de la fin historique de la forme-Institution, forme caractéristique de la tradition romano-canonique et forme générique des formations sociales jusqu’à y compris l’ère du capitalisme libéral. Avec le capitalisme néolibéral s’est ouvert une nouvelle ère dont une des caractéristiques est la prééminence de la forme-Entreprise. Cette nouvelle forme s’est déployée en imposant, sous couvert de « désinstitutionnalisation » libératrice, une conception consumériste des relations sociales, c’est-à-dire leur réduction à de stricts rapports marchands selon les rigueurs d’une bureaucratisation numérique au plus intime de l’ordinaire. Ce sont les algorithmes qui opèrent, en produisant précisément les uns-tout-seuls, interchangeables, de l’égalitarisme abstrait. Nommons les agents-objets d’un marché mathématiquement géré et administré selon la norme d’une concurrence libre et non faussée. En ce sens on peut parler d’une « asociale socialité ».

    Les vignettes présentées ont mis au contraire en évidence des socialités nouvelles, singulières, construites au jour le jour et au cas par cas dans le contexte d’un accompagnement décidé et sans cesse adapté aux possibles de l’enfant ou de l’adolescent. S’il a été résolument abandonné toute velléité de contrainte disciplinaire, c’est pour insister sur la nécessité d’une présence choisie, aussi bien de la part de l’adulte que de celle de l’enfant, où l’adulte assume cependant l’essentiel de la charge du souci qu’elle puisse l’être et le soit. Du souci de se faire « accueillable » : acceptable et supportable. Ceci implique aussi d’assumer seul, en tant qu’adulte, certes pas sans d’autres collègues, la charge de répondre, auprès des autorités de Tutelle et des diverses hiérarchies, du parcours réalisé et des résultats obtenus. Ceci afin de pouvoir le faire dans les termes et dans la langue que parlent ces autres professionnels, sans pour autant risquer d’altérer la langue et la socialité qui se seront forgées avec l’enfant, afin de maintenir leur autonomie de création. De consentir à la coexistence de deux mondes, voire deux univers, radicalement hétérogènes, dans lesquels en tant que professionnel, il se doit d’être présent, mais sans pour autant se faire un devoir de les lier, mais au contraire en sachant les maintenir distincts.

    Des façons nouvelles, donc, de faire institutions de parlêtres dans les mondes et les univers d’aujourd’hui.

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    13 mars 2021 | Paris - Visioconférence

    La sexuation des enfants - 6ème journée de l'Institut Psychanalytique de l'Enfant

    Par Iris Suarez

    Le 13 mars dernier s’est tenue la sixième journée d’étude de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant, en visioconférence. Un pari réussi. Au-delà de l’image, le désir engagé et incarné des collègues qui ont pris la parole s’est fait sentir et a traversé l’écran.

    Un fil, qui fait orientation, s’est déroulé tout au long de la journée : il n’y a pas de standardisation possible. « On n’enferme pas la jouissance dans un tonneau qui ne soit pas percé » nous disait Nicole Borie. La sexuation traitée comme l’inscription de la jouissance : limitée par le phallus d’un côté, ne répondant pas à la norme phallique de l’autre.

    Lacan nous dit en 1973, à France Culture, que là où l’être parlant se perd, là où il bafouille c’est dans le rapport sexuel. Ce qui nous condamne à avoir des normes sociales, faute de norme pour le sexuel. Les cas exposés dans la journée ont fait percevoir, au un par un, comment l’orientation analytique permet de faire une place au dire sur ce « bafouillage » sur le sexuel qui nous concerne, en tant qu’êtres parlants (ou plutôt parlés, comme dit Lacan). A chacun son genre, à chacun son malentendu. L’orientation analytique ouvre à la surprise véhiculée par un dire mais elle peut aussi accueillir une certitude, pas interprétable en tant que telle, mais pas pour autant figée comme un destin irréversible.

    L’ouverture sur le prochain thème de travail, introduit par Daniel Roy : Parents exaspérés - enfants terribles, nous oriente sur le « pas de norme ». Daniel Roy nous fait remarquer le petit trait, entre un énoncé (Parents exaspérés) et l’autre (Enfants terribles). Il y souligne, à cette place « l’une bévue ». « La bévue plutôt que la norme ». Le coup d’envoi est parti. Il ne reste qu’à se mettre au travail !

    Cette journée a été un « poumon artificiel » dans l’irrespirable que peut devenir le discours de la science, si on n’y prend pas garde. Je finirai cette brève note par un dire de Lacan : « L’analyse c’est le poumon artificiel grâce à quoi on essaie d’assurer ce qu’il faut trouver de jouissance dans le parler pour que l’histoire continue. »1

     

     

    1http://www.valas.fr/Jacques-Lacan-Declaration-a-France-Culture-en-1973

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    PARUTIONS

    NAVARIN ÉDITEUR

    Yad'lun • La Cause du désir n° 107

    Présentation

    Ce numéro 107 de la Cause du désir a pour titre une jaculation de Jacques Lacan dont la signification semble énigmatique. L’année du Séminaire Encore, celui-ci a mentionné les deux étapes autour du Yad’lun : le dialogue du Parménide et la théorie des ensembles. L’écart parait vertigineux entre l’œuvre centrale de la métaphysique platonicienne et la branche des mathématiques qui permet de construire les entiers naturels par récurrence à partir de l’ensemble vide En quoi ces deux moments cruciaux de la pensée concernent-ils la psychanalyse ? Qu’est-ce donc que l’Un qu’il y a ? Ce numéro parcourt les ambiguïtés de l’Un qui s’incarne dans la langue, entre phonème, mot, phrase et pensée ainsi que dans l’art pictural. La clinique du signifiant hors-sens et sans paire est aussi présentée dans plusieurs articles de fond. Au fil de la lecture se dégage l’importance cruciale que revêt l’Un-tout-seul dans la pratique psychanalytique contemporaine.

     

     

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    Éditions Navarin

    Les bas-fonds • Ornicar ? n° 55

    s/dir. Jacques-Alain Miller, Christiane Alberti, Sophie Marret-Maleval

    « Les bas-fonds », l’expression appelle d’emblée l’imaginaire qui les constitue : l’envers d’une société, sa part maudite réelle ou fantasmée. À l’époque de toutes les ségrégations, quel rapport entretenons-nous avec la part sombre, voire menaçante de l’humanité ? La psychanalyse propose de se déprendre de ce qui fascine dans la pauvreté, le crime, les misérables, etc., pour dénuder le statut de l’objet « rebut ». Ornicar ? 55 cherche à apprendre de la lumière des bas-fonds.

    Pourquoi « Les bas-fonds » ? Disons-le d’emblée, un tel titre a de quoi surprendre le lecteur d’Ornicar ? La topographie des profondeurs n’est pas de mise en psychanalyse dès lors qu’on se repère à la structure de langage et à la fonction de la parole. L’inconscient, en effet, n’habite pas le fond de l’âme, ne se confond pas avec le secret ou l’intime, mais s’attrape au contraire à la surface, au ras du discours, dans nos lapsus, nos symptômes, nos manières d’aimer et de jouir. Car il n’y a pas de métalangage, seulement le langage concret que parlent les gens, selon une expression de Lacan que j’affectionne.

    Que seraient les bas-fonds sans Les Misérables, qui en ont formé la représentation la plus aboutie ? Décrypter la fabrication d’un tel regard et construire l’histoire de cet imaginaire, c’est ce dont a fait œuvre le regretté Dominique Kalifa avec son livre incontournable Les Bas-fonds. Gueux, mendiants, prostituées, criminels, aliénés, bagnards… à nous conter l’histoire de ces figures réelles ou fantasmées, il donne à entendre qu’elles n’ont jamais cessé de fasciner. C’est aussi un nom d’époque, celle de l’Europe bouleversée du XIXe siècle. Pour autant, les histoires, la vie des hommes dits « infâmes » ont-elles cessé de nous hanter ? Le contexte n’est plus celui des « mystères » de Paris, mais le débat sur les bas-fonds de notre société n’a pas cessé. Simple rémanence sous de nouveaux noms : SDF, invisibles, vies minuscules, etc. ? Plus la description de la misère humaine est pathétique, plus elle fait vibrer. Comment ne pas apercevoir aujourd’hui qu’il s’agit de regard, d’un regard qui se jouit ?

    Les invisibles, les sans-papiers, les sans-domicile-fixe ne sont pas équivalents au peuple des bas-fonds. Et les clichés sordides ou héroïques de l’univers gris des banlieues ne permettent pas davantage d’attraper de façon unitaire l’expérience des marges. Les bas-fonds d’aujourd’hui sont ceux de la dérision et du cynisme de la jouissance, quand le triomphe des objets a pulvérisé tous les semblants de la modernité.

    Les bas-fonds nous concernent. Ils disent qu’au fondement de la réalité sociale, il y a la prise du symbolique qui s’exerce jusqu’au plus intime de l’organisme humain.

    Christiane Alberti

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