Nouvel écho de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux

  • Nouvel écho de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux
    Nouvel écho de la matinée d'échanges cliniques avec Bruno de Halleux
  • Le 6 mars 2021 sur l'initiative du CIEN[1] et de la Commission Autisme de l'ACF RA nous nous sommes retrouvés à plusieurs[2] en visioconférence pour travailler autour du thème : « Savoir faire parler les désordres »[3] avec notre invité : Bruno De Halleux, psychanalyste en Belgique, membre de l'École de la Cause freudienne, ancien directeur thérapeutique de l'Antenne 110[4].

    « Une matinée Européenne », donc, puisque des collègues intervenaient depuis la Suisse, et Bruno De Halleux, de Belgique. Elle fut consacrée à « la pratique à plusieurs »[5] auprès de sujets autistes.

     

    Marie Cécile Marty, psychanalyste membre de l'École de la Cause freudienne, psychologue et Fabienne Réa, éducatrice spécialisée, nous ont présenté Stéphane, jeune sujet de 16 ans étiqueté « autiste », accueilli au sein d' une institution pour adolescents. Elles nous ont indiqué le recours croissant à des diagnostics d’autisme pour les jeunes en situation de décrochage scolaire, ce qui semble conduire à un « tous autistes », qui pose la question du diagnostic même. Stéphane se sert de l'item fourni par le discours du maître pour s’identifier : « pas sociable ». Il peut alors, malgré cette difficulté avec le lien social, s’appuyer sur sa psychologue et son éducatrice, pour en faire usage. Marie Cécile Marty et Fabienne Réa soulignent combien l'attention aux menus détails, le maniement du transfert sont au cœur de leur pratique : cheminer avec le sujet, étape par étape, s'en faire partenaire, nuancer, tempérer et non pas contrer, autant de « bonnes pratiques » appliquées par ces praticiens en institution.

     

     
  • Christiane Ruffieux, psychanalyste membre de la NLS[6] et Juliette Duval, psychologue, ont présenté leur invention : la création d'un atelier informatique auprès de jeunes autistes au sein d'un CCPP[7]  en Suisse. Le centre est orienté par la psychanalyse lacanienne avec, précise Christiane Ruffieux :« juste une boussole : se situer comme passeur du lien social ». Juliette Duval par la présentation de « flashs cliniques » a su démontrer ce que peut signifier pour un praticien : se laisser enseigner par le sujet, et « écouter les autistes »[8]. Ainsi, Juliette Duval évoque un jeune passionné par les puzzles qui lui a permis de consentir à délaisser sa propre logique, son savoir, pour suivre la logique du sujet dans la réalisation de son jeu.

     

    Ces présentations « clinico-institutionnelles »[9] ont donné lieu à de vivifiants échanges éclairant l'éthique de la psychanalyse d'orientation lacanienne qui soutient l'absence de programme préétabli, de protocole normatif. « Toute notre clinique se joue au cas par cas » rappelait Bruno De Halleux. Des petits bouts de savoir se détachent au fil de cette matinée : quelques-unes des modalités de la pratique à plusieurs pourraient être de « Savoir faire parler les désordres » d'une certaine manière et aussi se faire « passeur du lien social », pas sans le transfert.

    Bruno De Halleux soulignait dans son intervention le formidable désir de savoir transmis par Virginio Baio à toute une génération de praticiens en institution et d'analystes. Et bien lors de cette matinée Bruno De Halleux a également constitué pour nous un formidable « passeur de savoir ». Sa conférence intitulée : « Une pratique à plusieurs à l'Antenne 110, renouvelée » a eu cet effet de nouveauté, un nouvel abord de la pratique à plusieurs avec les enfants autistes s'est entendu. Son précieux et rigoureux enseignement nous a invité à cheminer de Freud jusqu'au tout dernier enseignement de Lacan, un trajet de la clinique du symptôme à la clinique du sinthome. Bruno De Halleux dans son souci de transmission rendit son propos accessible en dépliant comment une pratique à plusieurs peut faire passer la clinique d’un point d’appui centré sur le sens à un abord par le symptôme. Dans ce trajet de la clinique du signifiant à la clinique du hors sens, la seconde n'annule pas la première, mais permet son renouvellement.

    « La clinique de la parole relevant d'une pratique à plusieurs est d'abord une pratique propre au langage. Elle tient à un certain maniement du signifiant. (…) Un jeu subtil de la parole, une circulation incessante d'un désir marqué par le sérieux et la gaieté des intervenants ». Le symptôme dans cette clinique de la parole est pris dans une logique binaire du signifiant, tandis que la pratique à plusieurs renouvelée prend en compte l'inexistence de l'Autre et s'appuie sur la logique du Un tout seul. Elle vise à se rapprocher du réel qui s'oppose à la vérité, au sens et nous permet de saisir la dimension du corps en tant que réel. « Le sujet autiste est par excellence un sujet qui se fait représenter par un signifiant tout seul ». Bruno De Halleux, par deux vignettes, nous a fait part de cette clinique de la sinthomatisation.

    Matinée fort intéressante pour chacun(e) des praticiens en institution, qui a pu démontrer comment, selon l’affirmation de Lacan, il est possible de chercher « quelque chose à dire »[10] au sujet autiste, un dire visant le réel. Enthousiastes ! Souhaitons que cette matinée fasse série !!

     

    Sandra Héroux.

     

    [1] Centre Interdisciplinaire de l'ENfant.

    [2] 75 inscriptions.

    [3] Judith Miller.

    [4] Antenne 110, institution du Réseau International d’Institutions Infantiles, RI3.

    [5] Invention,  précise Bruno De Halleux, produite par Jacques-Alain Miller lors d’un contrôle de Virginio Baio lui parlant de l'Antenne 110.

    [6] New Lacanian School.

    [7] Centre Chablais de Psychiatrie et de Pédopsychiatrie.

    [8] Jean Claude Maleval.

    [9] Nicole Borie.

    [10] J. Lacan, « Conférence à Genève sur le symptôme », texte établi par J.-A. Miller, La Cause du désir, n° 95, avril 2017.