S’éclairer du consentement

  • S’éclairer du consentement
    S’éclairer du consentement
  • S'ÉCLAIRER DU CONSENTEMENT

    Patrick Hollender "Consentir ?" fut le titre donné à notre matinée d'étude de l'ACF, qui s'est déroulée à Valence le 10 octobre 2020, dans la perspective des J50 de l'ECF : "Attentat sexuel". Une question laissée ouverte à la complexité du désir et de l'Autre jouissance, avec trois interventions venant éclairer le consentement ou comment un sujet consent à se faire objet de la jouissance de l'Autre, à partir de l'ouvrage éponyme de Vanessa Springora. 

  • Maï Linh Masset et Gilles Biot, nos collègues d'Annecy, avec Christiane Charvet, ont répondu à l'invitation de Geneviève Valentin, qui a animé les échanges et dynamisé un désir vif de rencontre entre les villes. Les interventions nous ont permis d'avancer sur ce que Freud avait épinglé en 1905, du terme non moins scandaleux pour l'époque, "d'enfant pervers polymorphe". C'est ce que Maï Linh Masset a mis en exergue, en avançant que les constructions fictionnelles émanant des pulsions partielles de l'enfant ne sauraient trouver leur point de résorption dans une réalisation en acte, à travers une scène de séduction attentatoire émanant d'un adulte. Elle a mis l’accent sur la façon dont le discours concernant le sujet brûlant de la pédophilie, s'inscrit dans un contexte sociétal et historique et n'est pas transposable d'une époque à une autre. Celui qui "aime les enfants", mais qui les aime au point d'en dissoudre les fictions, déconstruit les semblants que le fantasme habille, en mettant l'être de chair, à nu. C'est d'ailleurs souvent pavé des meilleures intentions, qu'il se manœuvre une place dans l'Autre de l'amour, à faire pétition de principe, en voulant légiférer sur le droit au recul de l'âge du consentement.S'agissant du droit, qui a pour but de répartir et de distribuer la jouissance, après la lecture de l'ouvrage de V.Springora, la psychanalyse ne peut que souscrire à l'appel du formidable opuscule de François Regnault : "Laissez-les grandir !"  

    En contrepoint, Gilles Biot nous a emmené à la rencontre du dévoilement, à partir de son analyse du film de Thomas Vinterberg : Festen (1998). Le cinéaste introduit ce qui se "monstre", lorsque la jouissance incestueuse, ensevelie dans la crypte familiale, s'arrache aux ombres massives du secret. Ce à quoi le sujet ne consent pas, pris dans les griffes du cri de sa vérité, c'est d'avoir "cédé sur son désir", nous dit Gilles Biot, "cédé à la situation". Geneviève Valentin fait remarquer de façon très subtile, combien un sujet qui croit en l'amour, peut être emporté très loin par son idéal, jusqu'à se faire l'élue de la jouissance de l'Autre, qui est l'autre nom de l'exception, de la passion pour la jouissance de l'Un unifiant. 

    C'est bien ce que l'intervention de Christiane Charvet nous a fait sentir dans sa lecture de l'œuvre autobiographique de Vanessa Springora. Son rapport à l'objet - le livre - inscrit dans la figure d'un re idéal, dont la présence aussi tonitruante qu'éthérée, est ce qui détermine sa quête d'amour dans la rencontre avec un partenaire d'imposture, issu du cercle prestigieux du milieu littéraire. Christiane Charvet nous indique comment la valeur précieuse du livre se suit comme sur une bande de Moebius, où le bord supérieur de l'agalma se retourne sur son bord inférieur en paléa. Ce sont là les deux versants d'un même parcours, où l'angoisse donne rendez-vous à la jeune adolescente, lorsqu'elle se voit réduite à l'objet qu'elle a été pour l'autre : un être d'inconsistance et de papier, un être magnifiéenfermé dans un livre écrit par son partenaire. L'obstacle que constitue le livre, sera aussi son invention sinthomatique avec l’appui de la psychanalyse qui lui a permis  de s'arracher à la jouissance attentatoire.

    Vanessa Springora témoigne par ce premier ouvrage, d'un traitement par l'écriture toute en nuance, qui la sépare de ce à quoi elle avait consentie. C'est un traitement de l'indicible où elle fait un usage inventif d'un bien dire pour nommer le réel en jeu, et le transmuer : seules, s'impriment ici les initiales de son partenaire-symptôme avec le signifiant d'éphébophilie, pour restaurer la dignité du sujet et faire de la lettre, un bord littoral au désir.